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dimanche 25 avril 2021

L'échec du projet de télédétection satellitaire de l'Etat congolais financé par le Japon!

Je vous invite à parcourir cette histoire qui va nous permettre je l'espère de prendre conscience de certaines réalités qui nous échappent. Sur cette présentation se démontre comment le manque de vision et de lreadership et d'amour pour sa patrie peut nous faire manquer les grands RDV de l'Histoire. 

L'espoir nous permet de rêver et toujours continuer à éspérer, les yeux grands ouverts, que les autorités actuelles et futurs pourront changer la donne! Un grand merci au Japon, qui a toujours été un partenaire remarquable pour la RDC, un pays pour lequel, nous congolais, devons avoir pour lui un Grand Respect!!











mardi 20 avril 2021

Quels rôles distincts peuvent jouer les deux ministres collègues (PTNTIC et Numérique) ?

Depuis près de deux ans, avec le premier mandat du Président de la République Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo, il a beaucoup été question du Numérique à travers plusieurs événements qui démontrent l'effervescence de la réflexion autour du sujet. L’avènement du Ministère du Numérique sur l’échiquier du Gouvernement, collègue du Ministre des PTNTIC reconduit dans ses fonctions, nous incite à repenser notre approche méthodologique pour une transition numérique des institutions de l’Etat réussi, assumée et aux résultats probants.

Les réflexions vont bon train au sein du Réseau des Acteurs du Numérique (RAN, www.ran.cd) qui existe depuis 5 ans, dont je suis Membre fondateur et Président du conseil des sages. En effet, RAN travaille sans relâche sur le sujet en ce moment, et je remercie au passage le travail fabuleux de ses représentants dirigé par Alain Kilapi, le Président du Conseil d’Administration.

En effet, la question qui nous vient tout de suite à l’esprit c’est quelle est la démarcation ? Comment vont-ils travailler ensemble ? C’est pourquoi, bien avant toute chose, il nous faut faire la différence entre l’informatique et le numérique pour bien comprendre le rôle que peut assumer chacun des ministres, qui nous espérons, travaillerons indéniablement main dans la main.

Dans notre vie quotidienne de tous les jours, à chaque instant que nous touchons notre téléphone, l’informatique et le numérique font jonction dans notre main. En effet, ils ne sont pas deux choses différentes, mais à deux, représentent la solution intégrée qui nous permet de communiquer par plusieurs médias : le son, l’image et la vidéo. C’est dire que c’est deux concepts intiment liées. Depuis les années 1950, l’informatique n’a cessé de progresser depuis son invention, avant de voir poindre l’arrivée du numérique avec l’avènement du réseau mondial ou de l’internet grand public (le www) dans les années 1980. Une vraie révolution !

Depuis cette période, le numérique est entré dans nos vies et n’a cessé de la transformer ou de la « disrupter ». L’information devient à la portée de tous et les transactions deviennent « Roi » dans nos interactions humaines de tous les jours à travers ce grand réseau mondial offert par Internet.

Il est quand même important de préciser la démarcation entre ces deux notions qui s’entremêlent à chaque seconde dans notre quotidien. En soi, l’informatique n’est pas une science classique au même titre que les mathématiques, car elle découle d’une combinaison de plusieurs domaines. Depuis le début de ma carrière, il y a près de 30 ans, j’ai toujours eu à enseigner à mes élèves ou à mes employés que l’informatique est l’école de la méthode qui combine plusieurs sciences (mathématique, physique, chimie, droit, économie, sociologie, marketing, etc.) dans le but de résoudre une problématique essentielle, qui est la gestion unifiée de milliards de calculs et d’occurrences à la vitesse de la lumière, et l’accès facile et responsable à l’information dans la dimension temps la plus courte possible. Nous en sommes aujourd’hui à la nanoseconde. Imaginez l’écart entre le moyen âge et notre époque actuelle : cela pourrait ressembler à la distance entre deux planètes aux extrémités opposées de la voie lactée !

En somme, la meilleure appréhension de ces deux notions, pour mieux nous aider à mémoriser, pourrait passer par une segmentation du Numérique en 4 piliers ou branches technologiques indissociables : (i) le Matériel, (ii) le logiciel, (iii) les services et enfin, (iv) les transactions. Quant à l’informatique, elle combine essentiellement les trois premiers piliers. Donc l’informatique est un sous ensemble du numérique : CQFD !



Vous comprendrez qu’il me sera plus aisé au bout de cette démonstration, d’assoir la réflexion des membres de RAN sur le sujet. En effet, je partage entièrement leur avis, qui est de penser le rôle du Ministre du numérique autour de deux axes majeurs qui sont : (i) l’informatisation et la numérisation des institutions publiques en mal d’efficacité, spécialement dans les services d’assiettes et, (ii) la dynamisation de l’écosystème numérique national, à savoir les différents acteurs que nous sommes et les consommateurs citoyens, par un arsenal juridique adapté et un accompagnement opérationnel.

Quant au Ministre des PTNTIC, il sera le garant des infrastructures matérielles, de la régulation des télécoms et de toutes les infrastructures réseaux permettant toutes les interactions ou plus prosaïquement les transactions. Ceci en forte synergie avec son homologue sur la vision, la méthode et le programme. J’espère avoir apporté humblement une petite contribution à votre questionnement. Je serai ravi d’accompagner les deux protagonistes de l’Economie Numérique, dans le cadre institutionnel de RAN pour la réussite de nôtre CONGO !


dimanche 24 janvier 2021

Le site Internet de la SNEL a été piraté : Ce n’est que le début d’une longue série !


Il m’est impossible de refreiner l’envie de faire échos de cet évènement, très anodin à l’échelle de ce qui a déjà été fait comme performance par les hackers en RDC, mais lourd de sens, car public. En effet, certaines personnes mal intentionnées, dirait-on, auraient piratés le site Internet de notre fournisseur national et unique de courant électrique. Ceci est à déplorer et à condamner. Mais en même temps tellement prévisible pour les érudits que ça pourrait donner à certains des larmes de rires. Néanmoins, attention, cela arrive aussi, parfois, à des sites célèbres, personne n’est à l’abri.

Il va sans dire que le numérique apporte son lot de consolation et de désolation. Au fur et mesure que la RDC dans son ensemble s’informatise ou se numérise à son rythme, ces genres d’attaques feront partie du lot quotidien. Ceci n’est pas une fin en soi, il faut juste que les acteurs, les institutions ou les entreprises concernées prennent à minima les précautions nécessaires et les mesures de sécurité adéquates afin d’éviter le désagrément d’une indisponibilité de service comme le vit en ce moment la SNEL. Dieu merci que le site de la SNEL ne soit pas encore un site transactionnel ! La simple vue des cartes de visites de certaines autorités ou institutions de l’Etat avec des mails Yahoo, Google ou Hotmail, ou le simple fait d’imaginer que nos Conseils des Ministres se font sur un serveur Microsoft Teams (basé à l’étranger) me fait penser que la question de la sécurité n’est pas du tout prise en compte comme il se doit, ou tout simplement elle est loin d’être une priorité. Il encore temps de changer de fusils d’épaule très rapidement.

Que faire ?

1.   1. Sans attendre, la mise en place d’une institution nationale en charge du numérique, comme la création de l’Agence Nationale du Numérique, portée par le Conseiller Spécial du Président de la République en charge des NTIC devient un impératif. Sa détermination dans ce sens conforte la communauté du numérique en RDC. Mieux encore, cette institution pourrait porter en son sein un département en charge de la cybersécurité capable de donner les grandes orientations techniques et d’impulser une vraie démarche collective de protection à l’échelle nationale. Cela pourrait se faire en forte collaboration avec toutes les institutions en charge de la Sécurité intérieure et extérieure du pays. L’exhortation de l’Autorité dans ce sens va sans dire.

  2. L’accompagnement législatif est également majeur afin de déterminer clairement le périmètre d’intervention, la matrice de compétence de chaque institution et le mode opératoire. C’est pourquoi, nos législateurs doivent s’impliquer davantage dans une matière tranverse qui touche tout le monde à tous les niveaux et qui le sera davantage dans le futur. La loi sur la cybercriminalité pourrit dans les placards depuis plus de 7 ans et n’a pas encore été adoptée au Parlement. Il est grand temps de la dépoussiérer et de la rendre effective.

      3. Il a a été organisé du 17 au 21 septembre 2018, avec l’aide active de l’UIT (l’Union Internationale des Télécommunications), sur demande du Gouvernement de la RDC un atelier interinstitutionnelle sur la Cybersécurité. L’intention était de doter la RDC d’un plan d’organisation et d’action pour combattre la cybercriminalité. Ce qui fut fait, les documents pourrissent à la Primature, rien n’est fait à ce jour par manque simplement d’une organisation responsable en charge de l’exécution opérationnelle de ce type de dossier. Mieux encore, l’IUT se proposait de nous accompagner pour la mise en place d’un Centre de Sécurité National au même titre que les autres pays d’Afrique. Une fois de plus l’avènement de l’ADN (Agence du Numérique) est plus que nécessaire.

La liste peut être plus longue mais ma réflexion s’arrête sur ces trois points essentiels, qui, à mon sens sont les plus importants. Pour conclure Yakafokon !

mardi 6 octobre 2020

Payement de toutes les taxes par moyens électroniques : Pourquoi la peur ?


Tous les politiques, avec la chaude rentrée parlementaire du 15 septembre qui s’est coïncidée avec la journée mondiale de la Démocratie, se posent la question du renflouement rapide des caisses de l’Etat pour la préparation des élections. Les 13 parlementaires reçus par le chef de l’Etat, il y a quelques jours ont élaboré une feuille de route pour nous éviter de revivre les couacs qui ont mis à mal le processus électoral dernier. Les 4 points évoqués tournent autour des mesures financières à prendre en amont comme le financement des élections en tant que priorité dès la loi de finance de 2021.

En parallèle, la Présidence et le Gouvernement se débattent comme diables pour assurer les frais de fonctionnement qui font défaut et assurer un minimum d’investissement dans le social, pour soulager une population qui souffre encore plus qu’avant, à cause notamment d’une gestion calamiteuse d’une trésorerie déjà défaillante et de la crise du Covid qui a suivi avec ses contrecoups. En somme, trouver les moyens de financement est la clé, le moyen nécessaire pour éviter une crise multiforme, même si la peur du gendarme, en ce moment avec les embastillements successifs des parquets dans les hautes sphères de la gestion étatique fait augmenter proportionnellement, les montants des perceptions journalières des agences de l’Etat. Fait tout à fait conjoncturel, maintes fois apparu par le passé sans trop changer les structures et la dynamique pérenne du coulage des recettes.

Beaucoup de mesures et de projets depuis plus de 20 ans ont été annoncés et certains déployés pour assurer au fil de l’eau une certaine efficience dans la chaîne de la recette, autant que dans la chaine de la dépense. Beaucoup d’argent et de temps perdus dans des conférences de haute facture à titre de posture. Mais, ceci n’a pas apporté l’efficacité escompté, simplement par le refus général au changement, qui rend le discours du politique inaudible, d’abord par lui-même, puis auprès de tous les employés du grand Mammouth qu’est la Fonction Publique. Et pourtant, la solution qui pourrait changer le paradigme est sous nos yeux : L’obligation que tous les paiements de taxes ou redevances se passent en paiement électronique ! La solution magique de renflouement des caisses de l’Etat se trouve pourtant à bout de portée.

Ces derniers mois ont vu fleurir différentes offres de paiement chez différents acteurs du marché qui sont les derniers arrivés, mais semblent les plus inclusives. Flexpay, Flowcash, Pepelemobile, FlashApp, etc. qui sont des applications développées essentiellement par les intégrateurs locaux et les banques. Mais les intégrateurs ayant comme avantage d’être juste des passerelles de paiements inclusifs multi-réseaux qui permettent des paiements et des transferts multi-canaux. A titre d’exemple : avec Flexpay, il va être facile de réaliser un paiement en moins de 10 secondes de Mpesa vers Orange Money ou Airtel Money et vice-versa, ou encore carrément de payer vers les opérateurs mobiles via les cartes bancaires et même de transférer ses avoirs d’un compte bancaire vers n’importe quel opérateur. Ce qui était impensable il y a encore quelques mois. Comme quoi, la période de distanciation sociale imposée par la pandémie de covid-19 a dû en inspirer plus d’un. Par ailleurs, le opérateurs télécoms, sans trop faire de bruit, installent progressivement des passerelles d’échange entre leurs différents réseaux.

La Banque centrale n’est pas également en reste cette fois. Elle est en train de mettre en place son propre Switch monétique qui connectera les banques, les opérateurs télécoms et les intégrateurs agrées pour permettre une interopérabilité nationale entre tous ces différents acteurs, qui offrent différents services de paiement, de transfert électronique, ainsi que les solutions de guichets bancaires, équipements plus traditionnels, mais dont on a besoin pour avoir accès au cash. Certains tests ont déjà commencé.

Tout ceci, pour démontrer l’opportunité que cela représente pour le Gouvernement aujourd’hui dans la recherche de réduction des coûts et de l’arrêt des coulages des recettes. Surtout pour cette année de crise qui met tous les acteurs de l’Etat sous tension.

En effet, la session budgétaire qui commence à l’Assemblé nationale pour 2021 va comme de coutume se baser sur une projection réaliste, prenant en compte les contraintes de dépense de l’année 2021 et le potentiel possible de mobilisation des recettes de toutes les agences de l’Etat. Sans compter que la préparation des élections de 2023 se pointe à l’horizon et qu’il va falloir encore plus mobiliser par anticipation. Il est facile de deviner, qu’avec l’habitude, très peu de personnes peuvent penser à la solution que peut apporter le paiement de toutes les taxes sur le territoire national par les voies exclusivement électroniques !

Imaginons dans un monde sans frottement que le Président de la République décrète qu’à partir du mois de janvier prochain, que toutes les taxes de l’Etat seront payables que par voie électronique. Les acteurs du marché auront trois mois pour assurer les investissements nécessaires pour faciliter l’exécution de cette décision, spécialement dans l’interopérabilité de plusieurs monnaies électroniques et réseaux qui se superposent. En fait, ils sont déjà en ordre de bataille, le Président ne fera que booster le marché par l’application d’une mesure qui va s’imposer à tous. Et l’Etat et le citoyen seront les premiers gagnants grâce à plusieurs bénéfices tangibles et positives qui seront :

1.      Une traçabilité de tous les paiements sans exception, ce qui pourrait faciliter les consolidations financières, les contrôles et les audits,

2.      Une clarté plus grande, moins occulte sur les comptes de perception de l’Etat,

3.  Une diminution très sensible des frais de transaction et une réduction forte des temps de transaction, donc, un gain de productivité des agences de perception,

4.     Une sécurisation des transactions sur toutes les étapes du paiement, du transfert à l’encaissement et un rapprochement progressif sensible entre la Constatation, L’Ordonnancement, la Liquidation et le Paiement.

5.      Un élargissement de l’assiette fiscale possible avec l’atteinte de nouveaux assujettis, facilement détectables,

6.      Une réduction de la monnaie sculpturale en circulation, qui permet de juguler tous les goulots d’étranglement classiques à l’origine de l’inflation ou l’envolée du Dollars,

7.      Une augmentation directe et indirecte des recettes fiscales sur une longue période.

8.      Au-delà de tous ces bienfaits qui ont pour impact direct l’augmentation des recettes, le bénéfice indirect de cette décision serait l’informatisation implicite et obligatoire de toute la chaine de la recette.

Au vu de tous ces points ci-haut évoqués il devient impératif d’évoluer dans ce sens, tous les citoyens de la RDC, chacun d’eux pourra ressentir l’impact de cette décision dans sa vie et pour une période assez significative. Plus encore, l’Etat pourrait mieux s’atteler à soulager tant soit peu la population.


jeudi 23 novembre 2017

LE CONGO À L'ÉPREUVE DU NUMÉRIQUE, DÉFIS, AVANCÉES ET PERSPECTIVES


 
ALBERT KABEYA TSHIKUKU
Expert Consultant en Informatique et Télécommunications

LÉONARD KABEYA TSHIKUKU
Professeur, Faculté des Sciences Economiques et de Gestion,
Université de Kinshasa



Sens du propos

Cet article est un dossier scientifique destiné au grand public. Il vise à faire connaître aux décideurs et à leurs gouvernés, les atouts liés aux Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) en termes de progrès de l’économie et de la société. Les NTIC appartiennent à la partie de l'économie où l'on ne fabrique pas de biens matériels (comme du savon, de la dentifrice, des véhicules automobiles, ou des produits textiles). Au contraire, elles relèvent d'un secteur productif transversal dont les biens sont immatériels (des biens dans le genre "soins médicaux", "leçons en classe", "information", "paix et sécurité", "communication", "transport"...). Elles appartiennent donc à l'autre versant de l'économie, appelée économie immatérielle, et, plus spécifiquement à la sous-catégorie de l'économie numérique.

L'économie numérique repose sur la micro-électronique, l'informatique et les télécommunications. Elle regroupe les techniques de numérisation et de diffusion à distance, par des canaux immatériels, des données d'information, notamment des sons et des images. Les NTIC constituent un mode de vie des sociétés modernes, un fait de civilisation qui révolutionne la vie des multitudes, comme l'ont fait jadis, sur la société et la condition humaines, l'outil de pierre (taillée et, plus tard, polie), la production du feu, la découverte et l'utilisation des métaux, la découverte et la pratique de l'agriculture, la découverte et l'utilisation de l'écriture, l'invention de l'imprimerie, de l'électricité, de l'énergie thermonucléaire, des ondes hertziennes, du télégramme et du téléphone, de l'électronique, des circuits imprimés, des puces électroniques, de l'ordinateur portable...

Au 20è siècle, l'économie mondiale s'est intégrée et densifiée. Les progrès des télécommunications et de l'informatique y ont pris une large part. La mobilité des capitaux, des biens et des personnes a eu raison des obstacles physiques et des barrières culturelles. L'économie immatérielle en général, et l'économie numérique en particulier, en sont largement responsables. Ce sont elles qui, à ce jour, en touchant au cœur même de l'existence des multitudes, conditionnent, orientent et dimensionnent le destin de toute l'humanité. Quel effet cela vous a-t-il fait de savoir, pour la toute première fois, que grâce à la télémédecine, un chirurgien japonais au Japon peut opérer un malade de cancer guatémaltèque dans un hôpital au Pérou ?

L'économie numérique demeure cependant mal connue des dirigeants et des peuples : ses mécanismes et ses retombées sont difficilement perceptibles. Pour être transversaux et diffus, ils n'en remodèlent pas moins notre existence collective, spécifiquement en changeant de fond en comble notre rapport au temps et à l'espace.

Au-delà du grand public, le présent article s’adresse aux décideurs politiques, aux entrepreneurs, aux enseignants et formateurs, aux étudiants, aux leaders d'opinion, ... bref à l’ensemble des acteurs opérant dans les diverses sphères économiques et sociales de la RDC. D’une manière ou d’une autre, à un degré ou à un autre, ces élites sont appelées à s'instruire sur les NTIC et à en faire, comme partout ailleurs dans le monde, un des principaux leviers du développement national.

Bien plus, le présent dossier indique quelques pistes vers des choix politiques susceptibles de garantir à l'économie nationale et à la société congolaise, par delà une résistance accrue aux chocs intérieurs et extérieurs, une intégration réussie à la marche collective de l'humanité. De par nature, les révolutions sont manichéennes : les peuples en sont ou bénéficiaires, ou victimes.

Plan de l’article

1.       Aperçu historique et état des lieux des NTIC, dans le monde et en RDC

2.       Les NTIC dans certains secteurs de la vie : ce qui est possible et ce qui est réel en RDC

3.       Résilience de l'économie congolaise : les atouts avec les NTIC

I


APERÇU HISTORIQUE ET ÉTAT DES LIEUX EN RDC


 
Kinshasa, Boulevard du 30 juin
Il n'est pas aisé d'apprécier le tournant qu'imposent les NTIC à toutes les nations et en particulier à la RDC sans passer par une brève rétrospective sur cette révolution technologique.

On attribue au vivant le souci et le réflexe, depuis ses origines lointaines, de collecter et d'enregistrer l'information. L'efficacité avec laquelle des générations d'hommes ont géré leur existence, en temps de paix ou en temps de guerre, dépend de leur capacité à maîtriser l'information et à communiquer. Comment gagner une guerre sans information sur les atouts, les contraintes, les failles et les stratégies de l'adversaire ? Comment négocier la paix si l'on ne peut communiquer entre protagonistes. L'information et la communication sont donc à la base de la puissance et l'efficacité des groupements humains. De même, elles constituent le principal atout de leur cohésion, de leur solidarité et de leur efficacité sur leur environnement.

Tam-tam, cloche et divers autres instruments à percussion appartiennent au plus vieil arsenal des instruments de communication de toute l'humanité, depuis les temps immémoriaux. L'invention de l'écriture dans les vieilles civilisations égyptienne et sumérienne a été une révolution, à l'origine de l'émergence de plusieurs civilisations antiques (mésopotamienne, chinoise, inca, indo-européenne, ...). Avec l'écriture, la capacité à diffuser et à conserver les connaissances, les techniques et les arts, a été étendue. C'est à ce tournant qu'il est convenu de limiter la préhistoire, et de faire démarrer l'histoire de l'humanité. La création de l'imprimerie, au 15ème siècle, a constitué un autre grand tournant. Le télégraphe (transportant le code morse en impulsions électriques), le téléphone (transportant la voix réelle sur les ondes hertziennes à la vitesse de la lumière) et le phonographe (il est de la fin du 19ème S) (stockant des messages et des chansons sur des sillons), ont vu le jour au cours des 30 dernières années du 19ème siècle, au moment du passage en Europe de la petite industrie aux grands combinats industriels.

Le 20ème siècle a connu un progrès décisif en matière de technologies de l'information et de la communication. Les théories des systèmes ont envahi tout l'univers des connaissances, impliquant les théories de l'organisation et celles de l'information. Des instruments et des techniques spécifiques ont porté ces progrès : l'ordinateur "cablé" et sa carte perforée de 80 colonnes (1943-1966), l'ordinateur à transistors et à lampes cathodiques, utilisant comme support de mémoire la bande magnétique (avec un accès exclusivement séquentiel aux données d'information), et plus tard le disque dur (avec, cette fois-ci, un accès direct et sélectif à des données d'information souhaitées), et enfin des puces électroniques, des processeurs et des logiciels de plus en plus puissants.

Toutefois, l'étape la plus décisive (à ce jour) de la révolution des TIC est venue plus tard, à partir de la décennie 1980. La jonction est intervenue entre l'informatique et les techniques de communication. En clair, l'image et le son ont été transformés en des données numériques, et donc en des intrants que l'ordinateur, sans cesse miniaturisé et puissant, a coutume et capacité de stocker en un volume phénoménal, de croiser de mille manières, d'affecter à d'innombrables usages, et de diffuser dans toutes les directions, de façon sécurisée et à la vitesse de la lumière ... L'informatique a donc pris un nouvel essor grâce aux circuits imprimés que les constructeurs informatiques ont mis sur le marché. La télévision, le Minitel et l'internet puis les télécommunications mobiles ont associé l'image au texte et à la parole. "Sans fil", l'internet et la télévision deviennent accessibles sur le téléphone portable qui, par ailleurs, fait office d'appareil photo.

Avec l'explosion de l'électronique "grand public", l'ère de la numérisation et de la miniaturisation avait sonné ! Grâce aux autoroutes de l'information (ou le web), le temps et la distance ont cessé d'être ce qu'ils ont toujours été au cours de la longue histoire de l'humanité. Sur nos tablettes et autres i-pads, ces obstacles naturels, de tous temps réputés "infranchissables" pour la dissémination des connaissances et de l'information, sont aujourd'hui vaincus, et même progressivement évacués de la mémoire des jeunes générations.

Depuis le dernier quart du 20è siècle, c'est une grande révolution dans notre mode de vie et dans notre ressenti du rapport qui nous lie au temps et à l'espace. C'est donc cette révolution qui, ça et là, a pris le nom rébarbatif (et provisoire, espérons-le) de NTIC (Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication).

Les NTIC ont investi toute la planète, bien qu'avec une performance et une vitesse graduées d'un pays à un autre. Elles participent à l’accélération de la croissance des économies, au progrès des connaissances et au développement des peuples. Le rythme accéléré des innovations au cours des 50 dernières années ne peut passer inaperçu. Le monde a connu une dynamique prodigieuse d’inventions transversales dans tous les secteurs (biologie, agriculture, industrie, éducation, management, services ...).

Il est impensable à ce jour de travailler sans un ordinateur connecté au réseau Internet. En effet, les NTIC, sous toutes leurs déclinaisons (fixes et mobiles), font partie intégrante de la culture de ce 21ème siècle débutant. Même les milieux ruraux sont envahis par la présence croissante des téléphones mobiles et des radiotéléphones, de plus en plus "intelligents" et "multifonctions".

Il est utile de faire le point sur les possibilités qu'ouvre cette révolution, de même que sur les avancées réelles - et les résistances et les obstacles -  qui ponctuent l'évolution de la société et de l'économie congolaises.


II


LES NTIC EN RDC :

CE QUI EST POSSIBLE ET CE QUI EST RÉEL


Ministère des Finances : Réunion
sur la mobilisation des recettes
Le tout premier besoin auquel le présent article se propose de rechercher une solution avec le concours des NTIC est le besoin de garantir et de renforcer le développement économique et socioculturel en RDC. Trois facteurs historiques soulignent le poids de ce besoin, maintenant.

Le premier facteur est la précarité de la croissance économique en RDC. En effet, depuis 1909 à 2015, les épisodes historiques pendant lesquels le pays a bénéficié d'une croissance économique sont de plus en plus courts, et de plus en plus espacés. En effet, le Congo a connu vingt ans de croissance, de 1909 à 1929, suivis de seize années de dépression "mondiale" (1930-1946). Puis, le pays a bénéficié d'une croissance de dix ans, de 1947 à 1962, suivis de quatre années de récession (1963-1966). Ensuite vint une autre période de croissance, de 1966 à 1973, suivie de trente longues années de récession-régression (1974-2003)... Quelle sera la durée de la croissance économique enfin retrouvée depuis 2003 ? Cette question préoccupe tous les milieux congolais, où chacun croise les doigts : "pourvu que cette sacrée embellie économique dure !". La durée de la croissance ? Les dirigeants y voient la promesse même de l'extension des bienfaits économiques à l'ensemble de la population. Et celle-ci ne demande qu'à croire à cette promesse d'inclusivité !

Le second facteur est la trop forte dépendance de la croissance économique actuelle vis-à-vis des secteurs d'extraction (mines, énergie et forêt, avec une prépondérance croissante des mines). L'évolution se dessine résolument vers la monoproduction et la mono-exportation minières. Elle ne porte guère de promesse de diversification économique. La peur de voir la croissance déchoir est donc totale et même totalement justifiée, tant l'économie du pays est de plus en plus portée sur une base qui se rétrécit sans cesse au cours des 50 dernières années !

Le troisième et dernier facteur est lié au niveau exceptionnellement élevé et à la longévité du chômage et du sous-emploi dans le pays. Ces maux refusent de reculer, y compris devant une durable et relative "stabilité du cadre macro-économique" (15 longues années, de 2003 à 2017 et peut-être même légèrement au-delà : ce sera un record de longévité historique !). 

Alors, quelle peut être la contribution éventuelle des NTIC dans la durabilité tant souhaitée de la croissance économique en cours ? Contentons-nous d'examiner la question secteur d'activité par secteur d'activité, le regard étant rivé sur certains secteurs qui sont demeurés longtemps à la traîne sur le continent africain, et plus spécialement en RDC : agriculture, éducation et formation, santé, petites et moyennes entreprises nationales (PME), finances et monnaie, et gouvernance du pays.

2.1 Agriculture : renforcement des chaînes de valeurs, grâce aux NTIC


Marché  agricole RDC
Le secteur agricole est en pleine mutation dans les pays développés. Il bénéficie des NTIC pour se spécialiser : l’agriculture de « précision » remplace insensiblement l’agriculture « industrielle ».
En Afrique et plus spécialement en Afrique sub-saharienne, certains pays comme le Kenya ont investi dans les plateformes informatiques et télécoms capables de créer et de drainer l’information éducative, nécessaire à l’optimisation, au développement et à la croissance soutenue de la production agricole, spécialement dans les zones rurales et péri-urbaines. L’accès facile des producteurs aux cours des marchés de biens agricoles, aux informations météorologiques, et aux systèmes informatisés de gestion de la chaîne logistique, a considérablement réduit les pertes des exploitants et encouragé les initiatives d’amélioration de la productivité. On s'éloigne du gigantisme et du vacarme des engins de labour, des semoirs et épandeuses d'engrais, des moissonneuses-batteuses et des fermes semencières. On s'installe dans la précision des données d'information sans cesse comparées : variétés, semences, sols de culture, caprices météo, marchés, approvisionnements ... sont examinés, jaugés et croisés avec un souci permanent d'efficacité, d'opportunité et de gain en temps.  

Quelques logiciels téléchargés sur les téléphones mobiles des fermiers et exploitants agricoles ont provoqué des avancées significatives dans le monde rural du Kenya, de l’Ouganda, du Ghana, du Nigeria et du Sénégal, notamment. En ayant entre leurs mains l’accès à l’information décisionnelle en temps réel,  les facilités du "mobile payment" ou du « mobile banking", des exploitants agricoles ont réussi à accélérer près de 3 fois le temps d’accès à leurs revenus. Ce fait a raccourci, à leur profit, la chaîne logistique et libéré opportunément les ressources pour financer les fonds de roulement : plus que jamais avant, l'information est mise au service de l'efficacité.


Grâce à la téléphonie mobile, l'accès à la base des données d’information a permis de décupler les revenus de différents exploitants agricoles. Dans les 4 pays cités plus haut, l’étude rédigée en 2013 par le Cabinet Dalberg sur l’impact de l’Internet en Afrique, fait état d'un taux de croissance allant de 9 à 13% de moyenne annuelle des revenus agricoles, au cours des 4 années précédentes. En effet, la connaissance des prix pratiqués sur les marchés locaux et internationaux a poussé les exploitants agricoles à rechercher une voie alternative pour réduire leurs coûts de production. Ainsi, pour certains marchés agricoles en Afrique, cette démarché a contribué à augmenter les revenus des producteurs. Les exemples sont légion. Limitons-nous à relever les cas de Gomme de Manobi au Sénégal : les revenus ont grimpé de 50% en 4 ans, grâce à la plateforme internet d’information Xam Marsé (Dalberg : TIC et accès des ruraux à l’information : l’exemple du Xam Marsé de Manobi au Sénégal, in Cahiers de Netsud, Dakar, mai 2011,).


Toutes ces expériences heureuses, où l'information est élevée au rang d'un investissement rentable, demeurent transposables avec succès. Que faire en RDC ? Sinon étendre les NTIC au vaste monde rural, aux fins de faire bénéficier de tous ces bienfaits aux exploitants agricoles, et au pays tout entier, tant les revenus ruraux sont en recul depuis des décennies.

1.  Le projet de téléphonie rurale en RDC doit être repensé, dans une concertation tripartite entre le Ministère des PTT-NTIC, le Ministère de l’Agriculture et l'Autorité de Régulation dont un réveil rapide à ces grandes questions de développement national est à souhaiter. Car, plus de 5.000 villages en RDC et de 900.000 ménages agricoles ne sont pas encore couverts par les 7 opérateurs GSM qu’on laisse s’agglutiner dans les 14 centres urbains plus rémunérateurs du pays, avec, dans leur poche, une licence valable sur les 2.345.410 km2 de territoire national. Pour preuve, le parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, à 240 km seulement de Kinshasa, capte le signal d’un seul opérateur téléphonique sur cinq, un signal du reste désespérément faible, sur les 80 000 hectares de la ferme ! Chaque jour, et à plusieurs reprises, le directeur du parc et ses employés doivent se déplacer sur des kilomètres pour envoyer et recevoir des appels téléphoniques.

2.  Les décideurs gagneraient à promouvoir l'internet, fixe et mobile, dans les campagnes, aux fins de diffuser et vulgariser en ligne des informations critiques et des connaissances de base au profit du monde rural. À travers ce même réseau, des campagnes de sensibilisation, d’alphabétisation, d'hygiène du milieu et de la protection de l'environnement peuvent atteindre le pays profond au moindre coût et en temps réel. À cet effet, le Ministère de l’Agriculture mettrait en place "un nuage informatique" privé (un Cloud privé) destiné à donner aux ruraux, par SMS et par internet, des informations utiles sur la météo, les calendriers agricoles, les conditions des marchés agricoles, les circuits et les coûts des approvisionnements (semences, engrais, insecticides et fongicides, pharmacies vétérinaires, maladies des plantes et des bêtes,..), etc.

3.  Différents créneaux de formation agricole devraient, sur le net, trouver des espaces de collaboration avec les exploitants agricoles, afin de soutenir dans les campagnes les efforts d'amélioration des méthodes culturales et pastorales, d'augmentation des revenus dans ces milieux qui constituent autant de plages de pauvreté.

4.  Le gouvernement gagnerait à se doter d’une vision globale et d'une approche stratégique réaliste et proactive, en matière agricole, pour aider les entrepreneurs et les exploitants agricoles à exploiter des opportunités de croissance et de diversification de la production agricole. Au-delà de l'augmentation de la production agricole, de sa diversification et du relèvement des revenus ruraux, il est impérieux de multiplier et d'allonger les chaînes de valeur, avec pour effets d'augmenter dans le pays la valeur ajoutée du secteur agricole, de multiplier les emplois ruraux, de garantir l'autosuffisance et la sécurité alimentaires, de réduire les importations alimentaires et la dépendance financière extérieure qui s'y greffe, et même d'augmenter et de diversifier les exportations agricoles avec, en prime, des rentrées en devises.

     La formation technique et managériale, la vulgarisation des connaissances, l'information et la communication en tous les domaines, la multiplication et l'encadrement technique et financier des exploitants du monde rural, ... sont autant de domaines d'action dans lesquels le concours des NTIC doit être pensé et organisé par l'État. Ce monde de compétition qui nous entoure aurait été invivable s'il n'était pas infiniment ouvert à l'échange de l'information et des expériences, ainsi qu'à la dissémination des connaissances. En somme produire et communiquer les informations en amont et en aval du domaine agricole est un investissement incontournable. Un tel investissement implique une vision réaliste et une stratégie efficace des dirigeants dans le domaine des NTIC. La RDC a encore du grain à moudre.

5.  La réforme fiscale peut également faire partie de l'ensemble des solutions à l’avantage du secteur agricole. En effet, la défiscalisation (ou la baisse des droits d’importation) des appareils donnant accès à l'internet (téléphones "intelligents", tablettes et ordinateurs) peut contribuer à réduire les coûts d’acquisition de ceux-ci au profit des exploitants ruraux aux revenus généralement très modestes. Ainsi donc, le coût d'acquisition de ces équipements ne saurait être fixé par les mécanismes prétendument "rationnels" du marché libre. Il doit, bien au contraire, relever d'une politique volontariste visant la dissémination de l'information, l'échange des expériences et le renforcement de la communication dans le monde rural et à son avantage.

Les applications mobiles sont calibrées par leur facilité d’accès et d’utilisation dans le monde rural congolais. La moitié de la population y est déjà équipée et le train continue, essentiellement chez les femmes. Le concept technique de « Virtual City » est employé dans certains pays africains, pour désigner la "cité virtuelle" que devient le milieu rural connecté par téléphone et par internet aux centres urbains. En effet, le rapport de ces ruraux au temps et à l'espace change du tout au tout ; comme il en va des citadins. Désormais ouverts en permanence l'un à l'autre, leurs espaces respectifs sont sans limites, dans leur communication extérieure et dans le ressenti qu'en ont désormais leurs habitants. Le temps interminable que prenaient leurs deux espaces pour communiquer entre eux a été raccourci, voire effacé. Par SMS et par internet, ruraux et citadins communiquent en temps réels sans exception ni de forme ni de contenu pour les données d'information échangées. Pour un territoire congolais si vaste qui a tant et si longtemps souffert de son "ingérable immensité", les NTIC sont plus qu'un soulagement : elles condensent les relations économiques et sociales sur le territoire national désormais "sous contrôle", et en un temps désormais infiniment "comprimé".

Par ailleurs, le projet congolais de dissémination de "parcs agro-industriels" ouvre la voie vers une production agricole de masse. Pour éviter de faire de ces parcs de nouvelles enclaves, un recours massif et organisé aux NTIC est indispensable. C'est à ce prix qu'une agriculture, de quelques rendements d'échelle qu'elle soit, deviendra capable de combler le décalage quantitatif et qualitatif actuel entre l’offre intérieure et la demande domestique des produits agricoles. Des tracteurs et des avions d’épandage équipés de GPS, des caméras et postes de surveillance interconnectés via la fibre optique, des centres de traitement de données logistiques et économiques, ... tous ces équipements des parcs agro-industriels modernes conforteront la stratégie du pays en matière d'autosuffisance et de sécurité alimentaires.

L'audace du projet des parcs agro-industriels est de nature à ouvrir l'économie du pays sur de nouvelles perspectives. Si les NTIC y étendent leurs facilités en prenant soin de couvrir le monde rural congolais (tel que ce processus a été envisagé ci-dessus), le Congo peut espérer raisonnablement voir le secteur agricole contribuer à la résilience et à l'inclusivité de la croissance économique.

2.2 Education et formation : construire un écosystème de connaissances, grâce aux NTIC

Une salle de classe typique en RDC
                 L’accès à l’éducation en RDC, comme pour l’ensemble des pays de la région, constitue un défi important. Selon l’UNICEF, environ 50 millions d’enfants en âge de scolarité n’ont pas accès à l’éducation en Afrique sub-saharienne. La qualité de l’enseignement, l'accès à l'éducation et le rendement interne du système éducatif préoccupent.

Avec près de 60% des moins de 25 ans, la RDC fait face à un défi rare de démographie scolaire. Il y a peu, un plan d’investissements était en exécution : 120 millions $USD dans la construction et la réfection des infrastructures scolaires. Ce plan concerne plus de 1.000 écoles, dont 454 ont été livrées fin 2015. C’est un chantier titanesque, couplé à la charge budgétaire de la gratuité projetée des études primaires dans les établissements publics. Le pays étant très vaste, il n'est pas aisé de rattraper un retard de plus de 50 ans que la dynamique démographique et les normes scolaires changeantes n'ont jamais cessé de creuser.

Bien plus, l'impératif d'une éducation de qualité appelle une vision audacieuse de l'efficacité scolaire, notamment pour ce qui est de satisfaire voire d'anticiper les besoins du marché de travail et de compétitivité des produits congolais. Dans ce secteur scolaire, comme dans bien d'autres, les NTIC ont un rôle de premier plan à jouer.

En effet, l’internet est devenu le plus vaste réservoir mondial de connaissances, le carrefour le plus important des savoirs que l'humanité ait jamais construit. Pour chaque pays pris isolément, il est de loin moins coûteux que des bibliothèques physiques, larges et constamment à jour, qu'il conviendrait de bâtir, d'entretenir et d'approvisionner par dizaines, et à coup des millions. C’est pourquoi, il est absolument nécessaire que les dirigeants prennent la mesure du défi, et développent, pour le Congo, des réseaux d’accès "large bande en fibre", aux fins de sortir le pays de la zone rouge où il végète.

Selon l’Union Internationale des Télécommunications, le taux de pénétration de l’internet en 2014 ne dépassait pas les 2% de la population congolaise, soit moins de 3 petits millions de personnes sur près de 83 millions. L'énergie électrique et les infrastructures manquent cruellement partout dans tous les coins du pays. À l'internet, l'accès physique est un luxe rare et l'accès financier un cauchemar. Les contenus locaux manquent dans ce réservoir mondial de connaissances et de données d'information où tous les pays "crachent" sans arrêt. Au total, la jeunesse congolaise ne connaît guère la marche du monde dans lequel elle est pourtant appelée à se battre et à s'épanouir ; de même, le reste du monde ne connaît guère le Congo sur lequel il a si peu de données d'information. Autant de handicaps qui maintiennent l'école et la jeunesse du pays en marge des NTIC et du courant mondial de communications, et plus spécialement en dehors de la plus vaste encyclopédie des savoirs qu'est l'internet.

Il existe une piste privilégiée de solution à ce danger mortel de non-acclimatation de toute une nation. Il faut développer l’écosystème des contenus, méthodes et réseaux, baptisé « e-learning » et construit autour de l’internet. En ligne, il est offert à plus d’un million d’étudiants, les cours de Mathématiques, Physique, Chimie, Biologie, Informatique et Énergie renouvelable. En dehors des classes, l’internet mobile a également accru l’accès à des bases de connaissances partagées et aux marchés. Ces derniers, on le sait, sont de moins en moins limités aux frontières géographiques des États.

Comme c'est le cas dans d'autres pays, une lourde charge financière des investissements est incontournable pour la RDC, spécialement en matière d'infrastructures, de logiciels et de développement des contenus pédagogiques. La volonté politique est la seule capable d'ouvrir ce pays à ce réseau. On peut en espérer un accès de la jeunesse congolaise aux plus hauts standards internationaux de l’éducation et à un enseignement de qualité. La recherche scientifique, la culture et le loisir viendront en sus, telles des cerises sur le gâteau de l'éducation.

La marche a déjà été entamée ailleurs en Afrique depuis un ou deux lustres. Par exemple, des solutions approchées comme "e-book" permettent aujourd’hui à plus de 30.000 familles d’avoir accès à une "bibliothèque en ligne" de quelque 94.000 ouvrages. Les Kenyans, les Ougandais, les Tanzaniens et les Rwandais sont déjà actifs sur ce réseau.

D’autres programmes très connus, comme "e-readers", fournissent du contenu à l'éducation de la jeunesse à travers le territoire du Kenya. L’Université de Dakar au Sénégal, qui possède une capacité physique de 16.000 étudiants, a pu inscrire environ 75.000 en 2015, soit près de 5 fois cette capacité physique. Cette prouesse, le Sénégal tout entier la doit à l'insertion de l'Université de Dakar dans le réseau mondial "e-learning", en partenariat avec l’Université Virtuelle d’Afrique. À côté d'autres "coopérations internationales", l'UNESCO est très active dans l'appui aux pays membres qui le désirent et en expriment la volonté.

Faute d’infrastructures et d’une politique volontariste en la matière, les solutions techniques proposées en RDC restent sommaires. Elles se limitent à la gestion des examens et concours, à la publication par SMS des listes des lauréats diplômés d’Etat, et d'autres menus programmes de fort modestes portée et envergure. C'est déjà, bien sûr, une avancée appréciable au regard de l'immobilisme ayant marqué le passé récent. Mais on ne peut que s'inquiéter de voir le pays en être resté là, depuis 10 ans. La RDC est sans doute capable de faire plus, à l’image du Kenya aujourd’hui qui, par son "portail national d’examens", permet aux étudiants de s’enregistrer, de consulter leurs résultats année après année et de suivre leurs demandes d’accès ou d’inscriptions aux différentes institutions pour les classes supérieures. Ces services en ligne offrent beaucoup d’économies de temps et de frais de déplacement ; ils permettent un bon suivi du cursus scolaire et contiennent la fraude et la piraterie des pièces scolaires. Le Congo-Kinshasa a tout à gagner en ce sens.

Au-delà de la construction des bâtiments et des diverses infrastructures scolaires, les défis appellent l'attention des dirigeants sur la nécessité de disposer des enseignants qualifiés et régulièrement recyclés à tous les niveaux, ainsi que des gestionnaires des établissements compétents. Les NTIC se positionnent dans tous ces besoins comme le meilleur point focal susceptible de nourrir les connaissances, de consolider les nœuds du parcours scolaire et de rapproche l’étudiant du monde professionnel où il est appelé à s'insérer au mieux.

Quelques suggestions pour ce qui est du recours aux NTIC :

1.         Avoir constamment à l'esprit le déficit en infrastructures qui limite l’accès aux NTIC : l’accès au haut débit par la fibre optique, l’accès à un réseau fiable et une desserte régulière de l'énergie électrique, et l’accès à l’enseignement même des NTIC dans le pays.

2.         Concevoir et financer l’intégration des projets technologiques au moyen des NTIC, avec, parmi les principaux soucis, celui de transformer l’offre des opportunités d’éducation en intégrant le pays à un vaste réseau international d'échanges de méthodes, d'outils et de connaissances. Le temps est révolu où l'on espérait résoudre localement toute l’équation des défis systémiques.

3.         Le Ministère des PT&NTIC et l'Autorité de Régulation feraient avancer le pays en réfléchissant à la manière de baisser sensiblement le coût d’accès à l’internet mobile. L'objectif est de faciliter un accès massif à la connaissance et à l’information pour la population jeune, car des connaissances acquises en dehors des salles de classe améliorent sensiblement la qualité de l’éducation et de la formation dans le pays.

4.         Les initiatives de localiser des contenus sur l'internet et dans les réseaux de télécommunications doivent faire partie des préoccupations des dirigeants. En effet, il n'est pas compréhensible qu’en RDC, tous les fournisseurs de contenus sur les réseaux de télécommunications (sonneries, chansons, clips, informations météo etc.), qui délivrent les contenus locaux, soient autorisés à le faire de l’étranger, privant le pays de recettes fiscales et de tous effets économiques induits. Dans ce cas qui ressemble fort à un abandon de souveraineté, il n'est pas possible de rêver à un marché local. Mais cette lacune n'est en rien irréparable : il suffirait de motiver ces entreprises, qui vivent tout de même du marché de la RDC, à s’installer dans le pays et à payer leurs taxes au fisc congolais, comme cela s'observe sous d’autres cieux africains. L'Autorité de Régulation et le Ministère des PT&NTIC ont la responsabilité et la mission de veiller à ce que les textes réglementaires du pays couvrent cet aspect et épargnent au Congo une perte annuelle des millions de dollars à la faveur d’une énorme évasion fiscale.


2.3 Santé : rationalisation et inclusivité des systèmes sanitaires intégrés, grâce aux NTIC

 
Campagne de vaccination en RDC
Dans le secteur de la santé, les innovations en matière de NTIC restent très modestes et le peu de projets lancés ça et là, en Afrique Sub-saharienne, n’ont généralement pas dépassé les phases pilotes. En effet, la taille modique des crédits alloués à la santé, ainsi que la faiblesse du cadre juridique sont autant de défis à relever sur la voie de l'ouverture aux NTIC.

Les enjeux sont pourtant importants. L'Afrique représente 25% de morbidité et 1% de dépenses de santé dans le monde, tout en étant peuplée d'à peine 12 à 13% de la population mondiale. L’Afrique subsaharienne ne possède que 3,5% du personnel médical mondial et 1,7% des médecins, pour combattre 90% de morbidité causée par la malaria dans le monde, 67% de cas d’affection VIH dans le monde et le taux le plus élevé au monde de mortalité infantile. (Cfr WHO Health Statistics, A survey of Subsaharan Medical School : http://www.human-ressources-health.com/conten/10/1/4). Au mieux, la mise en œuvre des Objectifs du Millénaire (2000-2015) a atténué ça et là la virulence meurtrière de ces fléaux ; nulle part cependant, l'objectif visé de les éradiquer n'a été frôlé. Le taux de mortalité sur le Continent demeure le plus élevé de la planète, surtout pour les enfants. La RDC ne déroge pas à la règle. Le système sanitaire péniblement tissé sur l'ensemble du territoire pendant la colonisation (1909-1960) s'est effondré, faute d'investissements de maintenance, faute de recyclage et de renouvellement du personnel, et faute d'adaptation des méthodes et techniques à l'évolution socio-sanitaire. La malaria sévit, comme autrefois. On assiste à un retour en force des pandémies autrefois éradiquées ou, à tout le moins, sous contrôle (bilharziose, lèpre, coqueluche, variole, maladie du sommeil, tuberculose, diphtérie, fièvre jaune, choléra, ...). En même temps, un paquet de  nouvelles pandémies fait irruption dans le pays (VIH-Sida, virus d'Ebola, ...).


Au-delà, de nouvelles maladies (dites "de civilisation") sévissent : stress, hypertension, diabète, cancer..., assombrissent l'horizon sanitaire du pays avec une mortalité dont aucune stratégie ne permet d'entrevoir un moindre fléchissement d'ici 2040. Certes, entre 2010 et 2015, des crédits budgétaires ont été votés pour la construction et la réfection des centres de santé (quelque 80 millions USD en 2014), au bout de 5 décennies d'immobilisme. Toutefois, les taux de réalisation sur terrain sont demeurés désespérément faibles (moins de 15%). Le pays est loin de rattraper un demi-siècle de désinvestissement dans le secteur. En RDC, comme dans la majorité des pays sub-sahariens, le système sanitaire est en plus d'être très mal équipé et très pauvre en logistique déstructuré, compartimenté et, par conséquent, hautement inefficient. Il fait face à une demande sociale qui n'arrête pas d'augmenter, de se diversifier et de nécessiter de nouvelles approches et une cohérence renforcée. Sur fond d'une mortalité et d'une morbidité à la hausse, les disparités d’accès aux soins de santé s'accroissent sans cesse entre les milieux ruraux et les centres urbains, entre les classes sociales, entre les niveaux de revenus et entre les individus.


Pour affronter victorieusement tous ces défis, le pays doit faire davantage que des budgets et du personnel à la hausse : il lui faut repenser et restructurer le système sanitaire à déployer sur le territoire. C’est face à ce défi systémique que les NTIC restent les seules à pouvoir apporter une solution appropriée.


L'effort financier du pays et des partenaires ne peut éviter d'être noyé que dans un système sanitaire resserré et restructuré : nouvelles méthodes de prévention, nouvelles approches de prise en charge et d’amélioration de la qualité des soins. En l'occurrence, les systèmes informatiques destinés à gérer l'accès aux soins de santé devraient être déployés dans le pays. Une base de données devrait être conçue en ce sens et installée, à la fois sécurisée et d'accès facile, au profit des institutions et des professionnels de la santé sur l'ensemble du territoire national. Des modalités techniques devraient être aménagées pour son accessibilité également en faveur des patients. Les techniques en vigueur sont antédiluviennes. Notamment, elles recourent aux supports de papier ou aux dossiers physiques. Dans chaque formation médicale, on collecte des données épidémiologiques ou cliniques certes intéressantes, mais qui sont péniblement archivables et absolument inaccessibles, au-dehors comme au-dedans de chaque formation médicale. Le pays se présente ainsi comme une mosaïque de minuscules bases de données inexploitables ; avec une telle opacité, il ne peut s'inscrire dans une dynamique d'échange d'expériences et de mise en commun d'approches : recherches médicales et progrès thérapeutiques en sont d'autant handicapés.


Le recours aux NTIC rendrait la gestion des données plus rapide, plus efficace et plus intégrée, capable de couvrir les différents départements et formations médicaux à la fois, d'indiquer en temps réel les zones géographiques et les étiologies méritant un appui prioritaire du gouvernement et des autorités sanitaires à tous les échelons. Ces systèmes informatiques et de télécommunications fourniraient en tout lieu et à tout moment, à un coût faible et dans un réseau sécurisé, des données variées sur les patients et les pratiquants, sur la gestion administrative et financière des centres et formations sanitaires, sur les besoins en médicaments et en personnel soignant, sur la répartition géographique des capacités d'accueil, sur la gestion faite ça et là de la relation avec les patients, sur les besoins et les possibilités de formation et de recyclage, sur les possibilités de télémédecine, etc. En cette matière, des programmes et des logiciels sont légion, représentant des possibilités de choix virtuellement illimitées en relation avec les besoins à couvrir.


L’outil Internet reste une technologie fédératrice dans la collecte, le traitement et le partage en ligne des données d’information et d’éducation sanitaires, ainsi que dans la gestion des relations patients-pratiquants. En particulier, les télécommunications mobiles peuvent permettre de réduire la fracture numérique entre les zones de santé rurales qui couvrent (théoriquement) plus de 70% de la population, d'une part et, d'autre part, les systèmes sanitaires urbains.


Aucune approche de gestion des soins de santé ne peut de nos jours se prévaloir d'être plus efficace sans le concours des NTIC. En effet, toutes les stratégies à mettre en place à tous les échelons devraient intégrer des challenges et des considérations suivantes :


1.         Développer les cadres légaux et les politiques de promotion des standards nationaux. En effet, vu la sensibilité du secteur de la santé, il est conseillé de mettre en place une supervision réglementaire des protocoles cliniques et de la gestion des fichiers électroniques pour la meilleure protection des données.

2.         Mettre en place un corps centralisé de coordination dans le traitement et le partage de données afin d’éviter des effets de bords tel que la multiplication inutile des investissements qui entraîne très souvent la duplication des applications. De façon plus pratique, il convient d'installer un centre informatique de données de santé de la république, qui soit accessible à distance pour tous les corps de santé et les administrations sanitaires (cet accès doit être réglementé et sécurisé).

3.         Au nom de la prévention, de l'efficacité opérationnelle et des économies financières à réaliser, organiser, autour du concept "e-santé", tout un système intégré de gestion, de supervision et de coordination des institutions et des soins de santé sur l'ensemble du pays.

Bien entendu, les données relevant de la santé sont très consommatrices de bandes passantes. Pour peu qu'on veuille accéder à l’information à travers un si vaste pays, il est impératif de stocker des masses de données sur un serveur distant (ou un Cloud), de développer les infrastructures télécoms à larges bandes passantes, comme des dorsales et des boucles locales en fibre optique.

De tous points de vue, les avantages sont évidents, avec un système de santé maîtrisé et modernisé dans ses principaux compartiments : surcoûts et dédoublements sensiblement réduits, qualité améliorée des soins de santé, accès facilité aux soins avec, en prime, une forte réduction de la fracture entre villes et campagnes autant qu'entre individus et entre catégories sociales, une population davantage soustraite aux chaînes de la débilité et de la mortalité, ... Autant d'avancées susceptibles de consolider la bonne santé des habitants et de l'économie du pays. 

2.4 PME : Ouvrir un boulevard à la croissance et édifier une base économique forte, grâce aux NTIC


Une entreprise de transformation
du bois en RDC
Selon les estimations et recoupements de l’INSS et des services du Registre du commerce, qui travaillent sur le terrain, l’ensemble des PME actives en RDC de moins de 50 personnes  (entités unipersonnelles incluses) pourrait représenter une population de plus de 3,5 millions, dont seulement 50 000 sont enregistrés au Registres du commerce. Sur Kinshasa, une personne sur dix détient une activité commerciale, déclarée ou non déclarée. Ces chiffres démontrent clairement la taille de l’écosystème et les défis à y relever.

De manière assez générale, les PME rencontrent des difficultés assez sérieuses dans l’accès au crédit, et paient au quotidien le prix de travailler dans un environnement hostile. L’Etat est perçu par les entrepreneurs comme le premier ennemi des affaires : insécurité juridique, tracasseries administratives, insécurité fiscale chronique, politiques monétaire, financière et budgétaire incohérentes, faiblesse du système judiciaire, risques liés à une régulation politique perçue comme chaotique...

Les taux d’intérêt des crédits bancaires sont en moyenne largement au-delà de 12% l'an, en RDC. Les microcrédits font davantage dans l'usure. Les garanties bancaires sont inabordables. Les PME n'ont guère accès aux ressources financières. La situation est même sans issue pour la classe moyenne d'affaires nationale. Des firmes étrangères et certaines entreprises d’Etat ont coutume de se faire financer leur trésorerie sur leur dos et de fort curieuse manière. Elles contraignent les PME clientes à préfinancer leurs commandes des semaines voire des mois à l'avance ; de même, elles retardent des semaines voire de mois le remboursement de leurs dettes commerciales envers celles-ci. Ceci tue en silence, chaque année, des centaines de PME congolaises, qui par ailleurs ont du mal à avoir accès aux appels d’offres des multinationales installées en RDC.

En ce domaine, les pays africains qui seraient mieux lotis sont rares (RSA et pays du Maghreb). En effet, au Kenya et au Nigeria, il est exigé, "pour sécuriser le crédit", une garantie représentant en moyenne 160% du montant.

Les NTIC apportent des solutions qui peuvent soulager les PME. Entre autres facilités, il leur est donné la possibilité de renforcer leur capacité commerciale et les outils pour gérer leur clientèle. Leurs produits peuvent être exposés sur la toile, leur compétitivité dévoilée. Certes, ce fait ne garantit pas à lui seul la présence d’acheteurs solvables. Il est créé une « place de marché » permanente, où l'offre et la demande sont dans un face-à-face synchrone et de tous les instants, soustrait aux intempéries et à l'inattention. Le site web nigérian "Get Nigerian Business on Line" (GNBO) est un exemple à suivre. C’est un portail de commerce électronique, une « place de marché », unique et permanente, qui permet aux PME nigérianes d’exposer à toute la planète leurs marchandises en ligne, sans multiplier des sites webs privés cloisonnés. Cette initiative a permis à certaines PME de multiplier par 10 leur chiffre d’affaires. C’est réellement une galerie Internet qui, d'entrée de jeu, offre à chaque marchand une intéressante fenêtre d'opportunité et un espace dans un vaste carrefour commercial.

Cette idée a été suivie en Côte d’Ivoire autour du marché central d’Abidjan. En effet, le portail ivoirien « abidjandeal.com »  de commerce électronique permet maintenant à tous les ivoiriens d’avoir, sur Internet, accès aux étalages du marché central d’Abidjan et de profiter des prix plus avantageux que ceux affichés par des boutiques du centre-ville. Ce site web permet aux clients de commander un article chez le commerçant et de passer après le récupérer. Pour certains commerçants ivoiriens, les ventes en ligne dépassent déjà 10% de leurs recettes mensuelles. Les initiatives de ce genre se multiplient dans d'autres pays africains, mieux desservis en courant électrique de bonne qualité, et mieux équipés que la RDC dans les infrastructures haut-débit de télécommunications. Il est offert à tous les citoyens un accès facile, et à un coût raisonnable, à une « place de marché » large, permanente et achalandée.

Toutefois, dans les pays d’Afrique Sub-saharienne qui ont pu relever le défi des infrastructures, le commerce électronique rencontre encore certaines résistances. En première ligne mentionnons, le manque de confiance dans le "paiement en ligne", de même que la faiblesse des services de livraison à domicile, pas toujours aidés par des adresses approximatives. Pour palier à cela, certains sites marchands des pays africains ont décidé d’accepter les commandes par courrier électronique (MMS, SMS, e-mail) et de délivrer eux-mêmes les produits chez le client, moyennant un paiement cash sur le pas de la porte. Ce qui est très réaliste, comme début. On voit ce genre de pratique sur les sites comme « Kooking.com » au Ghana, qui livre sur commande de petits déjeuners à domicile. A Kinshasa le site emar.cd qui vous livre les légumes a domicile sur le même modèle.

Plusieurs PME africaines ont compris que la toile est une plateforme de publicité puissante. À leurs canaux traditionnels de publicité, elles ajoutent une boutique virtuelle sur un site web : elles réussissent ainsi à multiplier des visites sur leurs catalogues, à gonfler leurs ventes et à accélérer la rotation de leurs stocks. De telles avancées commerciales ne sont pas négligeables pour l'Afrique : en effet, avec 12 à 13% de la population mondiale, le Continent ne représente à ce jour que 2 à 3% des échanges commerciaux sur la planète !

Les NTIC permettent également aux PME d’accroitre leur efficacité dans la gestion de leur chaîne logistique. Les PME recourent au Web pour des informations concernant les différents maillons de leur chaîne d’approvisionnement. Mieux informées, elles ont le loisir d'écourter cette chaîne de mille manières, et de diminuer ainsi leurs charges d'approvisionnement. Dans ce cadre précis, l’Inde a développé des "Clouds d’applications et services" dédiés aux PME. Pour baisser leurs charges, celles-ci regroupent leurs commandes et leurs ressources : l'accès aux maillons "meilleur marché" de leur chaîne d'approvisionnement est désormais possible. Bien plus, des commandes groupées de plusieurs PME fait bénéficier à chaque PME d'un discount important sur le coût d'achat unitaire des biens commandés. De leur côté, les fournisseurs tirent profit de grosses commandes, en échappant aux frais de dépôt et en accélérant la rotation des stocks et, du même coup, le rythme de production. L'État indien semble avoir compris les innombrables avantages économiques, fiscaux et sociaux que le trésor public et le pays pouvaient tirer d'un tel dispositif. Il n'a pas reculé devant le coût des infrastructures de transports et de télécommunications.

À l'opposé, comment ne pas penser à la manière dont la RDC a fait perdre tous leurs marchés aux petits exploitants ruraux, et sacrifier ainsi l'économie et le bien-être de tous les milieux ruraux ? Dès juillet 1960 jusqu'à 1976, tout ou presque a été détruit sur l'ensemble de l'immense territoire national : routes, ponts, matériels et véhicules de transports, dépôts de transit et équipements de conditionnement de produits agricoles, animaux et halieutiques, réseaux de commercialisation, places et installations de marché dans le monde rural, pouvoir d'achat des consommateurs urbains ... Tout a été perdu, jusques-et-y-compris le souvenir des relations commerciales étroites ayant existé pendant des décennies entre les villes et les campagnes du pays, et même entre différentes localités rurales. Tant et si bien qu'à ce jour, le monde rural, ainsi isolé et appauvri au plan commercial, vit replié chaque localité pour soi sur une très modeste production de subsistance. Au bout des 57 dernières années, le bilan socio-économique est effarent : les 40% de la population urbaine, soit environ 32 millions d'habitants vivant dans une quinzaine de centres urbains, consomment à 85% des produits agricoles, animaux et halieutiques importés, généralement sans garantie sérieuse de qualité. En ce jour précisément, il vient d'être interdit la consommation en RDC des tilapias surgelés en provenance de la Colombie, du Pérou, de l'Égypte et de la Thaïlande. La semaine passée, les œufs importés des Pays-Bas, et refusés à la consommation dans toute l'Europe, n'ont eu droit à aucune espèce de méfiance en RDC...

La pénétration rapide de l’Internet dans un pays est donc un puissant levier, autant pour la santé de la consommation que pour le développement de la production nationale. Elle fait circuler l'information au moindre coût, plus rapidement et plus sûrement. Elle libère et multiplie les initiatives créatrices. Elle multiplie et densifie les échanges sociaux, culturels et économiques. Elle renforce le maillage entre les différents secteurs d'activité et entre les différentes régions du pays. Elle gonfle, intègre et renforce le marché national que, par ailleurs, elle ouvre avantageusement sur les échanges extérieurs.

Avec les NTIC, il devient donc impératif, pour les pays qui veulent dynamiser leur marché national, de combiner l’incitation à l’entrepreneuriat et le développement d’un écosystème d’expertise technique locale. Cet écosystème est capable d’apporter constamment d'inestimables solutions informatiques et télécoms aux innombrables goulots d'étranglement qui étouffent nos économies, chaque jour qui passe.

En Afrique Subsaharienne, les pays anglophones ont mieux compris et saisi les opportunités qu’offrent les NTIC. Toutefois, des difficultés persistent encore. Elles se manifestent notamment dans la construction et la maîtrise des fermes d’incubation au service des start-up (ou entrepreneurs débutants) locaux, capables à leur tour de pérenniser de façon créative un tel écosystème, et aptes à passer à la génération suivante le relai de la flamme d'innovation. Les moyens et les efforts affectés à cette durabilité (sustainability) sont encore trop faibles, sans doute parce qu'ils sont encore perçue par les dirigeants comme une dépense improductive et non comme un précieux investissement.

Le défi de créer une classe moyenne d'affaires nombreuse et dynamique procède d'une nécessité incontournable. Malheureusement, la plupart des dirigeants africains ont leurs soucis et leurs regards ailleurs. C'est comme si le Continent se préparait à célébrer en 2021, au titre de nouvelle "décennie perdue pour le développement", les années 2011-2020. Les discours volontaristes d'aujourd'hui ne changeront rien à la déception collective que l'absence d'engagement sur le terrain prépare en cette décennie. Et pourtant, les NTIC sont un puissant levier pour installer, simplifier et huiler les rouages de l'innovation et des investissements locaux. Elles peuvent accélérer la croissance économique par l’accumulation des richesses sur une base élargie et rationnalisée de l'entrepreneuriat local. Dans une telle perspective, les recommandations suivantes seraient fort utiles aux dirigeants africains :

1.       Les dirigeants doivent encourager − réellement en actes et plus seulement en paroles ! − le secteur privé autochtone, le commerce électronique et les paiements en ligne.

Pour relever ce défi (plus socioculturel que technique et financier !), les dirigeants doivent créer un environnement particulièrement favorable à l’innovation, indispensable dans l'élaboration des différents business modèles qui accompagnent le commerce électronique. En RDC, il va falloir aller bien au-delà du « Mobile Money » qui s'installe si tardivement et péniblement, mais non sans succès : créer des "Centres NTIC d’excellence" en connexion avec des "Incubateurs de PME" (à disséminer sur le territoire national et à rendre accessibles aux Congolais !). C'est cela l’écosystème idéal dont il vient d'être signalé l'initiative et les limites en Côté d'Ivoire et dans quelques pays anglophones du continent.

Le concept de parc technologique, à l’image du parc agricole, doit être absolument promu pour faire accéder rapidement le pays aux nouveaux modèles économiques rencontrés sur la toile. Il n'est pas justifié de subir de l'extérieur la révolution numérique, en laissant persister l’inertie actuelle dans le domaine des NTIC. Par les NTIC, les contenus économiques des nations s'édifient dans la diversité, en quantité et en qualité. Dès lors, dans la sécurité pour tous, les frontières des États s'effacent, de même que les cloisons sociales et les écarts temporels : rythmes et émotions sont partagés en temps réels sur toute la planète, grâce à ces "autoroutes de l'information". Techniquement, on peut aujourd'hui, à partir de n'importe quel coin du globe, et en étant assis dans son fauteuil, commander n'importe quel bien dans n'importe quel autre coin de la planète. Malheureusement, cette possibilité technique est aujourd'hui limitée aux nations qui ont, par delà l'électricité en permanence et pour tous, un maillage dense et fiable d'infrastructures modernes de télécommunications, et une volonté politique inébranlable d'affronter les défis de la révolution numérique.

Il est indiscutable que, pour réussir un tel tournant, le rôle du privé local est aussi éminent qu'il est irremplaçable. Mais il est encore plus évident que la responsabilité incombe aux seuls États en matière de choix technologiques, d'orientation, d'impulsion, de motivation et d'encadrement des initiatives privées. Abandonner toute cette responsabilité entre les mains des privés et exclusivement entre les mains des firmes privées étrangères ! est tout, sauf une garantie de survie collective dans ce monde impitoyable en continuelle globalisation. C’est malheureusement le cas en ce moment en RDC.

2.       Les dirigeants doivent impérativement, s'ils veulent très vite s’accrocher au train des nouveaux modèles économiques performants, promouvoir, à des coûts très abordables, des Clouds au service des PME locales, ainsi que des connexions internet de type "large bande" et de bonne qualité.

Une telle stratégie implique le développement de "parcs technologiques". Un "parc technologique" est conçu et fonctionne comme un guichet unique pour l'ensemble de services aux secteurs et aux agents économiques du pays. Il a mission d'offrir à l'appareil productif du pays l'espace d'innovation le plus large et le plus intégré, c'est-à-dire une plateforme technique pourvoyant aux besoins d'information, de formation, d'approvisionnement, de choix technologiques, d'équipements, de débouché, de promotion, de compétitivité, de cohérence et rationalisation, de non-duplication des investissements et de non-dispersion des initiatives, etc.

À l'intérieur des frontières des États, ces besoins sont ceux des entrepreneurs privés. Mais, tout autant, ils sont des préoccupations des gouvernements de la planète. Les dirigeants clairvoyants concentrent les NTIC sur un même endroit, en un, deux ou trois "parcs technologiques", à la manière dont, par exemple, le gouvernement des États-Unis a créé le Silicon Valley. Ou à la façon dont le gouvernement des Émirats Arabes Unis a créé dans la ville-capitale Dubaï, sous la forme d'un guichet unique des services aux entreprises et aux citoyens, le "parc technologique" dénommé "Internet City".

3.       L’Etat doit également créer des incitations fiscales et douanières, ou octroyer des subventions directes sur la base des critères impersonnels aux grands opérateurs nationaux, publics et/ou privés. Ce ne peut être conçu comme un geste de générosité du prince ; mais plutôt comme une réponse rationnelle à une nécessité vitale : celle de faire fléchir les tarifs d’accès à l’Internet pour renforcer la compétitivité de l'économie du pays.

La voie, qu'a choisie la RDC, de multiplier des opérateurs privés étrangers dans le secteur de télécommunications, est, à très court terme, certes fiscalement payante et pourvoyeuse d'avantages individuels pour les décideurs (pas de porte, bradage de fréquences, dessous-de-table). Mais, à moyen et long termes, une telle voie est économiquement suicidaire, pour le pays. En effet, l'octroi de fréquences, de ressources et de facilités à un seul consortium de quelques opérateurs − à un noyau dur d'entreprises triées sur le volet et ayant un cahier de charges −, est la seule voie qui soit prometteuse d'économies d’échelles et pourvoyeuse d'externalités positives. Partout, la baisse générale de coûts et tarifs d’accès à l’Internet a été à ce prix. On n'en est pas là en RDC. À vrai dire, aucune option cohérente ne semble émerger des décisions du gouvernement de la RDC, dans ce domaine où l'attentisme, l'indécision et l'incohérence arrangent parfaitement le portefeuille des décideurs individuels, mais tue l'intérêt général et bloque l'avenir. Le pays n'a pas d'autre choix que d'espérer un miracle !

4.       Dans son interaction avec les habitants, il est hautement souhaitable que le gouvernement lui-même prêche par l'exemple en recourant aux facilités qu'offrent les NTIC : informatiser l'état civil, la surveillance du territoire, le rôle fiscal et douanier, les services judiciaires, la police et les renseignements généraux, le recensement de la population et de l'habitat etc. En effet, une marche résolue vers l’e-government (ou la numérisation de la gestion publique) serait une irremplaçable incitation, agissant comme un électrochoc, pour changer les mentalités et les pratiques dans le pays. La création d’une Agence Informatique de l’Etat serait un premier pas vers l’informatisation des services publics. Certes, cela tombe sous le sens (républicain). Mais une immense montagne de pesanteurs est érigée par des lobbys intérieurs et extérieurs qu'enrichit l'opacité dans la gouvernance du pays.

5.       Les quatre recommandations ci-dessus s’intègrent dans un projet unique : celui de "parc technologique". Cette plateforme technique hébergerait en « mode Cloud » et mettrait en interface tous les centres − privés et publics −  de production et de consommation de données d'information : les données et les applications en ligne seraient accessibles presque toujours en temps réel, à très faible coût et avec des charges financières abordables pour l'implémentation. En RDC, cela n'irait pas sans d'imposants préalables : une desserte permanente et de qualité en énergie que le pays n'a pas, des infrastructures de télécommunication à haut débit et aux coûts abordables pour accès général à tous les centres de données hébergés par le "parc technologique". En somme, il s'agit de rapprocher les plateformes du Gouvernement à ceux du secteur privé. Il peut résulter d'une telle masse critique un centre d’excellence qui, grâce à des synergies en tous sens, conduirait à une économie numérique dynamique.

Seule la volonté politique de l’Etat peut hisser le Congo sur cette orbite, où gravitent déjà une majorité chaque jour plus large des nations modernes.

Une voie large serait ainsi ouverte à l'édification d'une base économique intérieure forte, essentiellement par le dynamisme des PME et PMI à capitaux propres.


2.6 Finances et monnaie : cohérence, inclusivité et solidité du système de gestion, grâce aux NTIC.
Le Ministère des Finances en RDC

En une dizaine d’années, la RDC a connu une véritable ruée de banques commerciales. En 2005 elle ne comptait moins de 8 banques et, en 2017, elle en compte 22. C’est réellement un record, généralement présenté comme une retombée positive d'une "longue période de paix" et de "croissance soutenue de l’économie". À maints égards, une telle explication est un peu forcée (mais il s'agit-là d'une tout autre question). Le premier distributeur automatique de billets (DAB) et le premier terminal de paiement à carte (TPC) a été installé à Kinshasa en 2006 par la Rawbank, pionnière en la matière. La RDC détient aujourd’hui un parc de 700 DAB et environ 3.000 terminaux de paiement. Comparativement, l’Afrique du Sud détient 23.000 DAB dont 3.000 dans la seule ville de Johannesburg.

Par contre, la Banque Centrale du Congo n’est pas encore équipée d’une plateforme interbancaire automatisée de transfert d’argent pour les gros montants (RTGS : Real Time Global Settlement). La RDC est le seul pays de la SADC non encore équipé en la matière. Les transferts son quasi manuels et le temps d’exécution est trop long. Avec près de 10 ans de retard, elle vient à peine de s’engager en février 2016 dans la mise en place de cette plateforme. C'est avec le numéro 1 mondial en la matière (la société américaine Montran) qu'elle vient de signer un protocole en ce sens. Mais c'est à l'horizon de mi-2018 que ce projet pourrait aboutir.

Les banques privées quant à elles n’ont pas encore un switch électronique de transfert d’argent pour de petits montants (EFT : Electronic Funds Transfert). Seules les 4 premières banques de la RDC, en manque de solution depuis des années (comme ce fut le cas en Afrique du Sud il y a des dizaines d'années), viennent de se mettre ensemble pour lancer un switch monétique commun. Comme son nom le dit, c'est essentiellement dans la monétique. Cette facilité technique est destinée à offrir aux habitants de Kinshasa (et peut-être bientôt de Lubumbashi) un parc de près de 400 distributeurs interconnectés, payant en CDF, USD et Euros, sur présentation des cartes bancaires émises par les 4 banques. Autrement dit, chaque DAB de n'importe laquelle des 4 banques servira indifféremment tous les clients des ces 4 banques, porteurs d'une carte bancaire valide. Les autres banques sont apparemment sous-équipées en monétique ; elles hésitent à se joindre aux premières. Quant à la Banque Centrale du Congo, elle ne surprendrait personne si elle bloquait cette initiative privée : la loi lui attribue le monopole opérationnel en la matière ? Dans les milieux financiers privés, principalement extérieurs, il serait souhaitable de voir la BCC encadrer cette initiative et de l’encourager, en mettant en place une régulation comme elle sait si bien le faire.

On comprend l’impact des NTIC dans les finances. La mise en place de plateformes interbancaires automatisées est une de leurs applications élémentaires et courantes. Elle accélère la circulation monétaire et a, par conséquent, un impact sur le niveau général de la liquidité et des prix. Une formule simple pour calculer la taille du marché intérieur : celle-ci peut être grossièrement estimée en multipliant la masse monétaire à la vitesse de circulation de la monnaie. En d’autres termes, l’accélération de la vitesse des transferts monétaires peut être un levier pour la croissance : les échanges commerciaux n'en seraient que facilités, notamment pour les secteurs productifs ruraux à ce jour déprimés et repliés sur la subsistance. Malheureusement, en RDC, ces flux irriguent quasi-exclusivement les secteurs de la finance, d'extractions-exportations et de spéculation foncière, presque totalement entre les mains des opérateurs étrangers. Le Congo profond, vivant sur un espace économique infiniment fragmenté, en est exclu et végète dans l'immobilisme.

Mettre en complémentarité et en réseau sur la toile les établissements bancaires et les institutions financières de microcrédits, paraît offrir un exutoire à la marginalisation qui tétanise le Congo des petits producteurs ruraux. Depuis les années 1990, les banques se sont globalement retirées de ces milieux chaque jour plus pauvres. Des établissements de microcrédits les y remplacent péniblement, avec des pratiques d'usure qu'aucune loi ne décourage. La création sur la toile d'un réseau des institutions financières et bancaires est susceptible d'offrir, de manière inclusive, à tous les secteurs d'activité et à tous les milieux sociaux, l'opportunité de se brancher sur les flux de liquidité et, par delà, sur le flux des biens et services. Une telle plateforme sur la toile regrouperait des centres de services financiers mutualisés. Fonctionnant avec un coût faible d’accès, elle déboucherait sur : (i) l'abandon des DAB exclusifs à chaque banque dans le seul milieu urbain, (ii) l'émission des cartes locales, à la diligence de n'importe quelle institution financière/bancaire, cartes utilisables par tous leurs détenteurs dans tous les DAB sur le territoire indistinctement, (iii) abandon des terminaux de paiements exclusifs à une banque, un seul terminal dans n'importe quel coin pourra centraliser tous les paiements des institutions bancaires et de microcrédits.

Pour y arriver, les opérateurs de Télécoms et les banques se mettent d’accord au-delà des transferts et des paiements. Ils doivent aboutir, grâce à une plateforme, à une gamme plus variée de services financiers favorisant l’inclusion financière. Dans son rôle de régulateur, la BCC se doit de faciliter cette évolution par des mesures incitatives appropriées. Il lui faut notamment abandonner des préoccupations bassement "fiscales" à rentabilité immédiate, et revoir ses coûts interbancaires à la baisse, en misant à moyen et long termes sur l'augmentation du volume des transactions. Cela ne pourra qu’accélérer le développement de l’e-commerce et des transactions en ligne. Les exemples au Ghana et au Kenya sont nombreux sur la promotion d’une gamme complète de services financiers sur la toile comme les assurances, les crédits et l’épargne concernant les particuliers et les entreprises. Par ailleurs, le développement des plateformes comme Pesapal et  Pagatech montre à suffisance que l’utilisation de l’argent dans le mobile pourrait aider à l’émergence de l’e-commerce par un accès à une frange plus large de la population. En Afrique sub-saharienne en 2012, on comptait 57 millions de comptes actifs sur les plateformes de d‘argent mobile, soit le double du volume de connexion sur Facebook à la même période. La combinaison argent mobile et l'internet est une passerelle de développement essentielle vers le e-commerce. Concrètement, à partir de n'importe quel coin du pays, les habitants seront capables d’acheter en ligne sur l'internet, en payant par Airtel Money, Mpesa, Orange Money ou Tigo Money, etc. Pourvu, évidemment, que l'électricité suive !

Pour que le Gouvernement congolais puisse profiter au maximum de ces opportunités, les orientations stratégiques sont appelées à s’appesantir sur les points suivants :

1.       « Le Mobile Money » ou l’argent sur le mobile est une opportunité que le Gouvernement doit encourager en créant un cadre légal propice à son décollage effectif et inciter les banques à également s’engager sur ce type de plateformes en intégrant « le Mobile Money » aux transactions électroniques e-commerce sur l'internet. Seuls, les opérateurs privés ne peuvent y arriver. Il va falloir un coup de pouce décisif du gouvernement et de la BCC.

2.       Le KYC (le système d’identification standard des clients dans les banques) doit être promu par le gouvernement, en équipant et en poussant les services administratifs d'état civil à numériser l'identification des habitants. Les entreprises auront ainsi un référentiel unique pour un accès sécurisé à leurs biens et services, avec tous les avantages de traçabilité.

3.       Des efforts à différents niveaux, public et privé, doivent être mis sur l’accès au réseau mobile et à l'internet, de la meilleure façon et à un coût faible, au profit de la plus grande partie de la population.

La BCC doit s’inscrire dans l'esprit et l'effort d'un tel changement. À défaut, le pays souffrira encore plus longtemps de l'étouffement des initiatives créatrices des banques en matière monétique. Le rôle de régulation qui lui est dévolu doit prendre toute sa dimension créatrice de nouvelles approches informatisées qui favorise l'intégration économique, financière et monétaire, avec, en perspective, un espoir d'extension du marché intérieur, de diversification de la production et de la compétitivité améliorée des produits congolais.

2.6 Gouvernance : cohérence, traçabilité, efficacité et redevabilité républicaine, grâce aux NTIC.
Les briques de la Gouvernance

Quand on jette un coup d'œil aux indicateurs publiées par la Banque mondiale sur la Gouvernance (responsabilité, stabilité, efficacité, et qualité de la régulation des institutions, lois, contrôle de la corruption, etc.), les notes reçues par la RDC ne sont absolument pas flatteuses, loin s'en faut. La RDC fait partie des pays les opaques et inefficaces au plan de la "gouvernance", que ce soit dans le classement des pays sur le Continent, que ce soit au classement général des nations sur la planète.

Du seul fait d'avoir perdu sa desserte régulière et fiable en énergie électrique, la RDC est retournée à la phase de balbutiements dans l’informatisation, après avoir été, au début des années 70, l’un des pays les plus informatisés en Afrique. Une Agence de l’informatique de l’Etat était rattachée à la Présidence de la République sous la dénomination de SPIZ (Services Présidentiels de l’Informatique au Zaïre), une agence qui fut dissoute vers la fin du régime Mobutu. La conséquence néfaste de cette regrettable suppression se fait cruellement sentir aujourd’hui. En effet, l’informatisation de la chaîne de recettes est devenue parcellaire, autant que celle de la chaîne de dépenses de l’Etat congolais. Les finances publiques du pays n'ont guère de transparence : détournements, corruption et concussion prospèrent dans les méandres de ces multiples zones d'ombre taillées dans ce circuit financier. Un PIB infime de quelque 32 milliards de $ US courants, et un budget famélique de quelque modestes 8 ou 9 milliards, sont donc compréhensibles, de par la non-transparence des circuits financiers et de par d'immenses détournements que celle-ci facilite.  Des efforts immenses sont à fournir pour intégrer ces services dans la transparence et pour créer une interface fiable entre les institutions financières de l’Etat congolais : les NTIC sont l'unique solution, avec le réseau internet connu ailleurs sous la dénomination anglo-saxonne de "e-government".

Sur le chemin d'une telle solution, les défis sont une montagne en RDC. Certes, des bonnes volontés existent au gouvernement et dans d'autres institutions publiques en faveur de l'informatisation intégrale de la gestion de l'État congolais. Mais la résistance au changement est remarquable à tous les niveaux ; il existe une opposition sourde à tous les projets structurants, susceptibles de "rationaliser" les dépenses publiques et surtout de briser l'élan de détournements, de fraudes et d'évasions fiscales, phénomène pudiquement baptisé « coulage de recettes » en RDC.  En l'absence d’un cadre de cohérence de la gouvernance, les bailleurs de fonds empirent le mal à l'échelle du pays : spécialement, ils multiplient des projets sectoriels d’informatisation en dehors d'une ligne directrice d’intégration nationale pourtant à portée de main grâce aux NTIC.

Aucune approche de partage de ressources et d'informations n’est envisagée en RDC, dans un sens favorable à la mise en place d’une centrale de données de gestion. Toutes les institutions opèrent en monades parfaites, chacune selon d'immenses besoins privés de sa hiérarchie et selon un minimum de ses besoins de fonctionnement. Aucune visibilité n'est garantie pour la plateforme gouvernementale, cette institution qui est en charge de la gouvernance globale du pays. Bref, il semble n'exister aucune vision ou stratégie d’intégration de l’appareil de l’Etat, grâce aux NTIC, dans un système informatique intégré, capable d’offrir au public des guichets uniques d’enregistrement ou de paiement. Au stade actuel, aucun indice n'autorise à rêver de création d'une plateforme informatique "e-government" pour le Congo, dans un futur proche.

Mais rien n’est encore perdu. "Il n'y a, dit un adage, pas de situation désespérée ; il n'y a que des peuples qui désespèrent". L’évolution des NTIC permet encore des solutions techniques adaptées, mais moyennant une puissante et subite impulsion volontariste de la part des dirigeants politiques du pays. Les Congolais ont, sous leurs yeux et dans leurs oreilles, des indicateurs qui ne trompent pas sur leur misère collective : les notes annuelles attribuées au pays par Doing Business, les divers classements statistiques annuels du PNUD, de la Banque mondiale ou de l'OMS, les multiples appréciations individuelles des experts économistes et financiers de tous bords,... confortent leur ressenti habituel peu rassurant quant à leur destin collectif. Les NTIC demeurent le principal portail technique qui n’attend qu’à être ouvert par les dirigeants, mais à une triple condition au niveau de ceux-ci : le vouloir réellement, lever la pesante hypothèque des lobbys conservateurs qui parasitent les institutions du pays et en détournent les ressources, et, enfin, de mobiliser des efforts humains et des moyens conséquents.

Certains pays d’Afrique noire ont, plus que d’autres, eu des politiques agressives dans la promotion des NTIC. Cette audace a porté ses fruits, notamment en améliorant sensiblement la productivité du travail dans le pays, en confortant la compétitivité de la production nationale, en relevant l’efficience et la gouvernance dans les différents appareils de l’Etat, et en clarifiant et en rendant plus confiante la relation entre les institutions de l’Etat et les citoyens. Le Kenya, juste aux frontières de la RDC, est l’exemple parmi les plus lumineux en Afrique où les pays en pointe se comptent par dizaines.  Tous les ministères au Kenya ont une présence sur la toile, autour d’une plateforme unique "Kenya e-gouvernement". En effet, la mise sur pied de cette infrastructure a simplifié l’accès à l’information des Kenyans, la réactivité et la coordination des services de l’Etat par l’instauration de guichets uniques d’enregistrement et de demandes de formulaires, une gouvernance cohérente comme un seul rouage où tout grain de sable qui s'y glisse est virtuellement identifié et extirpé. Au Kenya, beaucoup d’initiatives ont vu le jour dans l’automatisation de la gestion de l’information qui a participé à baisser considérablement les coûts de gestion administrative et a accru l’efficacité de l’administration publique. D’autres pays comme le Sénégal et le Nigeria ont mis en ligne leurs constitutions, textes de loi et toutes les procédures administratives. Ce qui a rendu transparentes aux citoyens les formalités administratives : toutes les modifications de lois ou les touches apportées aux procédures sont intégrées en temps réel. Un gain de temps absolu a augmenté de manière substantielle le nombre d’utilisateurs dans ces pays.  Plus encore, au Sénégal il a été mis en place une plateforme sur la toile dénommée GAINDE 2000, où importateurs et exportateurs paient leurs frais douaniers à tout instant, sans bouger de chez eux et sans faire une moindre file devant un guichet : gains de temps et d'argent pour tous, administratifs et contribuables ; paperasses et "coulage de recettes" douanières conjurés ; transparence garantie pour l'État sénégalais sur sa chaîne de recettes ; et même, dans certains cas, prix à la baisse des biens importés, et recettes à la hausse des biens exportés. Les exemples de ces « success stories » en matière de NTIC sont de plus en plus nombreux en Afrique sub-saharienne, souvent aux frontières mêmes de la RDC !

Où elles ont réussi, toutes ces innovations de l'économie numérique ont été considérées comme un investissement productif et non comme un coût, ni pire encore comme un cadeau généreux du prince à son peuple. La preuve est faite partout : elles ont permis de réduire sensiblement le temps opérationnel en toutes choses, de minimiser les charges financières des privés et des administrations dans la gestion de dossiers, de diminuer les doubles emplois, les détournements, les fraudes et évasions  fiscales ainsi les ponctions illicites liées à l'exercice d'une moindre parcelle de pouvoir. Deviennent ainsi la règle sociale de la gouvernance du pays la traçabilité de tout flux, l’efficacité économique et sociale de toute décision de gestion de la part du gouvernement, et, last but not least, une confiance renforcée des citoyens dans les institutions qui les gouvernent. Il est impératif que la RDC, à l’image du Kenya, ou du Sénégal ou ..., puisse faire ressusciter de ses cendres et la remettre au diapason sa défunte Autorité Informatique Nationale, un « ICT Board » congolais, pour en faire une des têtes pensantes de l'édification nationale.

Pour réussir le pari de l’intégration des NTIC dans la gouvernance du pays, les dirigeants congolais, quel que soit le côté où loge le cœur dans leur poitrine, se doivent de suivre la ligne directrice suivante :

1.       Désigner à tout prix et rapidement une autorité unique et compétente chargée de mener des études appropriées et de conseiller une vision, des stratégies et des initiatives d’informatisation de l’Etat. Aucun Etat au monde, dans les pays en voir de développement, n’a pu informatiser ses institutions sans satisfaire à ce préalable organisationnel.

2.       L’Etat devrait, courageusement et de façon volontariste, promouvoir les NTIC dans le pays, à travers des programmes standards d'investissement dans les infrastructures et les logiciels, d'éducation scolaire, de formation et de promotion ; ces programmes doivent être constamment mis à jour, à la lumière de l’évolution des technologies ; l'État congolais devrait également réévaluer le statut de l’informaticien dans la fonction publique qui, depuis les années 1970, fait de ce technicien un quelconque « documentaliste » qui, le long de toute sa carrière administrative, broie du noir et, avec beaucoup de chance, termine sa carrière sur un plafond de 300 USD de salaire mensuel et, une fois mis à la retraite, touche au mieux 15 USD de rente viagère mensuelle !

3.       L’Etat se doit également, par l'informatique, de réguler les "bases référentielles communes" de la meilleure manière, aux fins d’identifier, à tous les niveaux et dans tous les coins, les entités morales et les habitants du pays : des élections transparentes, des prélèvements fiscaux et douaniers, la planification sanitaire, démographique et sociale, et une administration efficace sont entièrement à ce prix.

La traçabilité, la transparence et redevabilité républicaine de la gouvernance publique en RDC sont des défis frontaux.

III


PERSPECTIVES ET RESPONSABILITÉS


  

Nous venons de présenter quelques applications sectorielles des NTIC (agriculture éducation, PME, Finances et Gouvernance étatique). De même, nous avons analysé quelques expériences africaines, mettant en lumière des avancées (plutôt timides et lacunaires) : le cas de la RDC est demeuré à l'arrière-plan. Une conviction doit s'être dégagée : les NTIC sont susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la transformation de l'économie et de la société, notamment par une capacité accrue de prévision, d'anticipation et d'organisation. Mais dans toute démarche qui se veut structurante (et innovatrice !), il y a des prérequis incontournables, des étapes à suivre et une méthodologie d’approche appropriée. La maîtrise de toutes ces exigences est tributaire de la volonté politique de changer le destin collectif. Une fois de plus, « tout est dans la méthode », tel que le proclame un dicton propre à la profession scientifique :

1.       Les NTIC sont certes rien moins qu'un instrument ; mais derrière elles, se dresse une dure épreuve de civilisation : vivre ou disparaître. Désormais, les sociétés humaines ne pourraient survivre longtemps avec, au plan de leur gouvernance, des postures réactives en tous sens, opportunistes et à courte vue, principalement dictées par le réflexe d'auto-défense des intérêts privés étroits. La RDC doit se doter d’une vraie vision.

2.       Les NTIC représentent une plateforme de créativité et d’innovation. La production, les échanges, la consommation, la compétition et la reproduction sociale en sont désormais marqués. Ne pas exister sur le web est suicidaire. La RDC a beaucoup à faire, notamment récupérer sur la toile le label « .cd », label géré à ce jour sur les points de change sud-africains. Le pays doit rapidement développer ses propres points de change, au bénéfice de son économie.

3.        Bien entendu, cette vision doit s’accompagner d’une stratégie d’investissement (en énergie, infrastructures, équipements, logiciels et expertises) et des politiques de régulation appropriées dont des aspects ont été brièvement présentés ci-dessus. Chaque Ministère devrait développer un plan d’investissements dans son secteur, en cohérence avec la vision globale des NTIC.

4.       La révolution numérique implique un cadre institutionnel centralisé, un point focal d’impulsion politique et de supervision des stratégies d’implémentation chez tous les opérateurs socio-institutionnels : État-régulateur, départements ministériels et autres services publics, Banque Centrale, syndicats patronaux et ouvriers, opérateurs économiques et sociaux, privés et publics, etc.

5.       Fût-ce par impératif de sécurité et de progrès, l’Etat congolais est, de par la nature régalienne de ses prérogatives, le responsable numéro un et le principal régulateur des NTIC. La coopération avec le secteur privé, étranger et surtout national, reste cependant incontournable autour d'un cahier de charges dressé par le même pouvoir public.

6.       L’Etat doit s’affirmer également par la mise en ligne des kiosques de services, utiles aux différents intérêts catégoriels de la population. En RDC, le taux d’équipement des téléphones est à 50%, la télévision n’atteint pas encore 10% et la desserte en électricité est à 8%. Le réseau des NTIC le plus populaire reste donc le téléphone, qui continue sa pénétration géographique et démographique (avec le plus fort taux de pénétration chez les adolescents urbains et dans la population féminine rurale).

7.       L’Etat congolais gagnerait à mettre en place une plateforme gouvernementale intégrée, comme c'est le cas au Kenya. Avec des passerelles appropriées, cette plateforme sera reliée aux kiosques sectoriels (Santé, PME, Agriculture, Finances et Budgets...).

8.       Au total, il s'agit de mettre en place tout un écosystème qui prend en compte les besoins de développement de toutes les franges de la population. La première étape serait la mise à disposition de l’information la plus complète dont a besoin chaque entité morale ou groupe physique de recourir aux administrations. La seconde étape serait pour les administrations de rendre disponibles les documents, les formulaires, les procédures et les circuits administratifs exigés pour l'éligibilité des administrés aux services publics souhaités. La troisième serait bien entendu la création des plateformes d’échanges et de services entre tous les acteurs de l’économie.

9.       Enfin, l'utilisation des NTIC étant dynamique, il est impératif que les services de l’Etat soient dotés d'un "centre de veille technologique", destiné à répondre aux besoins de techniques, à localiser les utilisateurs et à adapter l’utilisation des techniques à la réalité locale. Par exemple, les opérateurs pionniers du GSM en Afrique n’avaient pas pensé au transfert de l’argent par le téléphone. Mais, grâce à la recherche et aux spécificités locales en Afrique subsaharienne, cette région du monde reste aujourd'hui la première dans ce domaine à travers le monde. Autre exemple. Les pays européens n’arrivaient pas à bien réguler entre eux le roaming, il y a 10 ans. Cela n'a pas empêché l’Afrique noire à être la première région à créer le concept et à le matérialiser sur le terrain. "One network" (un seul réseau pour plusieurs pays) : cette idée à démarré en laboratoire à Kinshasa en 2003. À l'origine, c'était des ingénieurs congolais de télécoms qui ont lancé l'idée de connecter Brazzaville et Kinshasa dans un seul réseau. En matière d'innovation, l’espoir semble permis de toutes parts !

Point n’est besoin de dresser une liste exhaustive des modalités d'utilisation des NTIC par les "pays en développement". Les défis du Congo sont certes, pour une très large partie, ceux communs à ces pays ; mais ils demeurent spécifiques sur certains aspects liés à l'histoire, à la géographie, à la démographie, à la sociologie et à la culture. La brève analyse qui précède a été dirigée sur quelques défis à la fois généraux et spécifiques. Et l'impression s'est dégagée selon laquelle le Congo figure parmi les pays les moins avancés en ce domaine et, bien au-delà, parmi les moins préparés et les moins dotés de volonté politique au sujet des NTIC.

Et pourtant, la grande dimension géographique de ce pays et son exceptionnelle diversité socioculturelle appellent prestement l'intégration nationale, et rendent impérieux le recours aux facilités qu'offrent les NTIC aux coûts les plus faibles connus à ce jour. L’édification d’un espace territorial solidaire respirant à un même rythme, économiquement et socialement, est plus que jamais un défi quotidien face à la mondialisation et à ses différents aléas. En particulier, les différentes frontières du pays sont poreuses et à peine sécurisées, les particularismes locaux trop prononcés, les velléités séparatistes internes et les tentatives extérieures de balkaniser le territoire congolais trop menaçantes. La consolidation économique de cet espace et la solidité des nœuds informationnels qui permettent de penser et gérer cet espace comme une seule entité, représentent une question de survie collective. À elles seules ne suffisent pas − et ne suffiront probablement jamais ! − la densité et la capillarité des communications par voies routières, ferroviaires, fluviales, lacustres, maritimes et aériennes. Dirigeants politiques, monde des affaires congolais, scientifiques,  intellectuels et leaders d'opinions, ont donc, parmi les questions prioritaires d'édification nationale, celle d'exploiter à fond les innombrables atouts liés aux NTIC. Ils ont l'obligation d'y parvenir par des approches judicieusement intégrées et coordonnées dans la gouvernance-même du pays.

Dans cette perspective, les NTIC peuvent être employées comme l’exosquelette qui permet de décupler la résistance aux forces centrifuges, à l’inertie d’une économie de rentes naturelles extravertie, à la trop forte dépendance extérieure, à la précarité socio-économique interne, et à l'impuissance des institutions et de l'État. Le progrès des NTIC devrait également atténuer le ressenti qu'a la population congolaise de la faiblesse de sa cohésion face à l'insécurité qui menace le pays et l'État, de l'intérieur comme de l'extérieur.

Mais, un certain contexte est incontournable, avant comme pendant le déclenchement d'une telle dynamique. En voici une expression synthétique : "classe moyenne autochtone et électricité". Tout destin national souhaitable est englobé dans cette formule lapidaire. En effet, elle sous-entend un marché domestique qui s'élargit et forcément se diversifie ! − sous les dynamiques suivantes : (i) mobilisation de ressources internes et création d'emplois mieux rétribués, (ii) progrès et diversification de la production, (iii) niveau et qualité de la vie pour une majorité qui s'élargit, (iv) puissance et sécurité collectives, et, au début comme à la fin de tout, (v) gouvernance politique informée et proactive. Tous ces progrès sont appelés à baigner dans un rouage sociétal complexe, mais peu opaque et lubrifié par les NTIC. La dynamique des intérêts individuels, des institutions publiques et des organisations privées aura pour résultante "naturelle" la garantie des libertés, la protection des droits humains et la sauvegarde de la biodiversité : trois cerises sur un gâteau consistant, celui du progrès économique, social, culturel équitablement partagé.
À l'intention des esprits congolais qui s'affichent "pragmatiques", il est nécessaire de présenter autrement ces exigences et ces processus. De tels esprits n'appréhendent les choses que sous l'angle de leur faisabilité "concrète" sur terrain : la "feuille de route" leur tient lieu de clef de compréhension. La régulation sociale doit cesser d'être suspendue à la bouche du commissaire priseur anonyme des marchés de NTIC. L'État congolais doit se hisser aux avant-postes. C’est dire que la régulation des Postes et Télécommunications, confiée à l’ARPTC (Autorité de Régulations des Postes et Télécommunications Congolaises), cesse d'être une timide caisse d'enregistrement et d'arbitrage des choix décisifs que font des firmes privées étrangères de télécommunications. Il faut que l'ARPTC cesse d'être un guichet public où se vendent aux firmes les plus offrantes des "longueurs d'ondes" et des "bandes de fréquences" et où s'arbitrent des querelles de tarification et d'interconnexion. L'ARPTC doit devenir, bien au contraire, un des centres névralgiques de la stratégie nationale de développement, où devrait se lire la norme de la gouvernance politique en matière de NTIC et, par delà, l'esquisse du destin collectif que l'État s'emploie à bâtir. En ce sens, une loi nationale doit être promulguée, faisant de l'ARPTC, non pas un banal guichet à l'affût de quelques miettes fiscales, mais une "Autorité nationale" chargée de réfléchir aux meilleurs choix politiques et techniques en cohérence avec le contenu sociétal et la position géostratégique que le pays s'efforce de conquérir.

Contrairement aux préoccupations matérielles à très court terme qui commandent ses réflexes et l'éloignent des choix critiques, le gouvernement congolais devrait avoir l'audace d'affronter la responsabilité des choix sociétaux fondamentaux à travers les NTIC, et cesser d'abandonner cette responsabilité à des firmes privées étrangères dont les intérêts sont en compétition entre eux, et naturellement en conflit avec ceux du pays. Pour ce faire, le gouvernement doit agir comme puissance régalienne. La sécurité collective, les libertés et les droits humains, ainsi que l'impératif de progrès social devraient commander ses choix souverains en matière de révolution numérique. Ses choix doivent être, en définitive, des choix démocratiques, c'est-à-dire âprement discutés dans les institutions et dans l'opinion.

Le Ministère en charge des Postes, Télécommunications et Nouvelles Technologies de l'information et de la Communication, a donc le devoir d’élaborer un plan de développement cohérent des NTIC, et à le faire adopter et promulguer comme une loi-cadre. Un projet de loi sur les Télécoms est en souffrance depuis plus de 3 ans : on peut parier qu'à ce jour, elle est à élargir et à dépoussiérer, pour prendre en compte les évolutions techniques et juridiques récentes. En effet, les risques d’instabilité juridique sur l’avenir du cadre des NTIC en RDC sont nombreux (Lire Ndukuma Adjayi Kodjo : Cyberdroit ; Éditions des PUC, Kinshasa 2009,). Il faut éviter au pays le risque d'être la paria de la révolution numérique, et de sortir ainsi de l'histoire que d'autres nations tissent à la barbe de tous les Congolais.

Déjà, la loi de 2002 sur les télécoms, portant création de l’ARPTC, est à ce jour dépassée par l'évolution des enjeux technologiques intervenue au cours des 15 dernières années. Garder en vigueur une telle loi revient à exposer le pays au risque majeur d'être la paria de l’économie numérique mondiale. Les gouvernants d’aujourd’hui ont le devoir, pour le développement des populations,  de repenser les NTIC comme un secteur stratégique et de les faire sortir des domaines à caractère réglementaire (Constitution, Article 122). En effet, les NTIC se sont imposées comme une matière transversale et structurante, déterminante dans les processus modernes d’accumulation des richesses, régissant l'innovation dans toutes les chaînes de valeurs... Il est grand temps que les gouvernants africains et plus spécialement ceux de la RDC sortent de la 1ère partie du siècle dernier.

Nous assistons à une augmentation rapide du nombre d'accès à l'internet "haut débit", par exemple avec l'ADSL ou avec les réseaux de télévision par câble. Fournissant un accès à l'internet " très haut débit", les réseaux en fibre optique ont favorisé une plus large diffusion de données audiovisuelles à des prix abordables et (la concurrence et l'innovation aidant) constamment à la baisse. Ces innovations technologiques semblent avoir tout bousculé sur leur passage, spécialement dans les pays développés. Les BRICS ne sont pas totalement à la traîne et, avec eux, quelques pays d’Afrique sub-saharienne. Le Kenya, le Ghana, le Sénégal, le Nigeria - pour ne citer que ceux là - se sont engagés dans la démarche manifestement volontariste. Au lieu d'attendre les premiers pas hésitants et calculés des investisseurs privés étrangers, les décideurs politiques ont pris les devant. Ils se sont d'abord efforcés de se donner une vision propre sur la révolution des NTIC et sur la manière de se l'approprier avantageusement. Ensuite, ils ont créé des services nationaux et réalisé de lourds investissements publics essentiellement dans les infrastructures et les équipements, attirant ainsi les privés qui sont venus faire de l'argent, mais qui n'en évoluaient pas moins dans la vision déjà tracée par les gouvernements hôtes.

Avec l'avènement du WEB 2.0, les usages des NTIC se sont développés, surtout chez la grande majorité des citoyens des pays industrialisés. La fracture numérique géographique s'est développée d'avec les pays en développement, où l'accès à internet "haut débit" est hors de la portée de la grande majorité des populations.

Cette poussée de l'économie numérique a pris les allures d'une « révolution silencieuse »* en RDC. Mais elle hésite encore à s'investir dans une vision globale, et à prendre des contours précis dans ce pays immense et dans cet environnement technologique mondial où le changement paraît être la seule réalité permanente. Depuis le début des années 2000, la RDC tarde à franchir le pas décisif vers le « renversement de tendance »*. La veillée d'armes dans l'inévitable lutte contre un chômage envahissant, la mono-exportation minière, la fragilité et la non-inclusivité de la croissance, le rétrécissement relatif du marché intérieur, ... se prolongent de façon à en rajouter aux impatiences qui se font déjà sentir ça et là. L'assaut ne se fera pas sans une vision nationale précise et opportuniste sur la façon dont le pays devrait s'inscrire dans la "révolution silencieuse" des NTIC.

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

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Texte parue sous forme d'article scientique dan la revue Universitaire M.E.S (Mouvements et Enjeux Sociaux), Université de Kinshasa, n°100, juillet-septembre 2017, pp.5-24.